Des amis… même si c’était mal parti.

S’il refusa mon offre, sa tirade me fit toutefois sourire. Non pas que le jeune homme avait l’air d’un idiot – il m’avait d’ailleurs nettement prouvé le contraire au cours de notre conversation – mais il n’avait effectivement pas l’allure d’un ingénieur. Le jeune homme était sportif, ça se voyait au premier coup d’œil, et je m’étais même presque demandé s’il n’avait pas fait de son atout un métier. Après tout, je le voyais bien plus travailler dans une agence de mannequinat qu’enfermé dans un bureau… Mais les apparences étaient sans doute trompeuses, de toute évidence.

Sa remarque m’arracha un nouveau sourire, alors que je sirotais tranquillement ma commande. Il était vrai que j’étais sans doute beaucoup plus jeune que le blondinet, mais ça n’empêchait finalement pas grand-chose. Artémis était une dresseuse mais elle avait également travaillé en tant que serveuse. Mais il était vrai que, moi, je ne vivais que grâce au dressage et aux requêtes que je complétais de temps en temps. Mon mode de vie ne me coutait finalement presque rien, car j’étais habitué à dormir à la belle étoile. J’étais sans doute moins dépendant que d’autres dresseurs, ce qui me permettait de ne pas avoir réellement besoin d’un à côté.

« C’est vrai que tu n’as pas vraiment la tête d’un ingénieur… Enfin je suppose que les apparences sont bien plus souvent trompeuses qu’on ne le croit. En tout cas, non, je ne travaille pas. Etre dresseur me prends tout mon temps, donc ça ne me laisse pas beaucoup d’opportunités. » Répliquais-je, assez amusé. « Et je ne suis pas si jeune que ça non plus, je viens d’avoir vingt ans après tout. »

Continuant de profiter tranquillement de ma boisson, je ne pouvais m’empêcher de me demander ce que j’aurais bien pu faire si je n’avais pas été dresseur. Bien sûr, la question ne se posait pas vraiment, puisque Mhyone m’avait offert cette chance, mais j’étais tout de même curieux. Sortant de mes pensées, je me tournais alors à nouveau vers le jeune homme.

« Et toi, du coup, tu disais que tu avais une Zorua, c’est ça ? Tu n’as jamais eu envie de devenir dresseur ? »

Des amis… même si c’était mal parti.

Sa remarque m’arracha un léger sourire. J’étais bien loin d’allouer la moindre importance à ce genre de choses, alors qu’il puisse se tromper sur mon âge ne me vexait pas le moins du monde. Après tout, ça pouvait arriver, et n’était surtout pas très vexant. Dans notre monde, après tout, il arrivait que des dresseurs de onze ou douze ans parviennent à finir une ligue, et le maitre de Mhyone n’avait finalement que mon âge. A deux ou trois ans près, je n’allais pas non plus en faire une affaire d’état. Surtout que le blondinet n’avait pas l’air méchant non plus, même si, instinctivement, quelque chose me dérangeait toujours à son propos, sans que je ne parvienne à réellement m’expliquer quoi.

Je souriais ensuite après son éclat de rire. Il était vrai que certains pokémons avaient le don de s’approprier leur dresseur et de ne pas vouloir les partager. En un sens, Shax avait aussi fait des siennes lorsque Caim avait intégré l’équipe. En soit, sa réaction avait été normale. Les dragons étaient réputés pour être particulièrement territoriaux, et le Libégon m’avait accompagné depuis plusieurs années en solitaire. Mais il s’était plutôt bien fait à l’idée et, au final, l’accueil d’une grande famille s’était fait d’une manière plutôt naturelle. En réalité, même avec les pokémons les plus jaloux, on ne savait jamais vraiment comment ça pouvait se terminer. Beaucoup s’adoucissaient même avec le temps, du moins, c’était ce que j’avais cru remarquer. Je répondis donc au blondinet.

« En réalité, je crois que pour la plupart des dresseurs, le premier pokémon est le plus jaloux. C’est le plus ancien, celui qui n’a finalement connu que son dresseur et la vie en duo. Crois-moi, même moi ça m’est arrivé avec mon premier compagnon. Donc faut pas non plus te fixer là-dessus, généralement, on apprend plutôt à former une grande famille qu’une simple équipe dans laquelle les pokémons ne peuvent pas se blairer. »

La discussion avait repris un ton plus léger, et je décidais d’ignorer le sentiment qui m’habitait pour le moment. Après tout, ça ne pouvait pas réellement être un danger pour moi que de discuter avec cet inconnu.