Crépuscule du doute (Solo / Aventure)

Le mois de Novembre courrait à une vitesse vertigineuse, semblable aux grandes bourasques froides que l'on pouvait sentir venir nous frapper le visage. Quelques jours étaient déjà passés depuis le terrible accident qui était survenu à l'Institut Océanographique de Port Mirage, mais tout semblait s'être écoulé la veille : Le manque d'informations sur l'origine de la catastrophe était dur à supporter, pour moi comme pour la grande majorité des habitants de la région. Tout cela ne nous rappelait que trop les différentes tragédies ayant émailées la région ces dernières années... Voilà que je parlais comme quelqu'un ayant vécu ici depuis des années, d'ailleurs. C'était loin d'être le cas, mais j'avais effectivement désormais l'impression d'apartenir à ces îles. Hoenn était ma terre natale, et même si j'avais fait des gros efforts pour fut un temps, pensant qu'il s'agirait de la solution, je savais très bien que je ne pourrais jamais l'oublier ou même la renier. Néanmoins, j'avais pris beaucoup de recul avec ce qu'il s'y passait, et j'en avais à contrario cruellement manqué depuis mon arrivé sur l'archipel. D'ailleurs, on pourrait être surpris de ne pas me voir en train d'essayer de fouiller, partout, pour connaître l'origine de l'incident. Elle me travaillait, comme je vous disais, et pourtant, je prenais sur moi, comme tant d'autres.

J'avais cherché un lieu à explorer et étudier. J'avais ce besoin cruel de faire quelque chose d'utile, pour quelqu'un au moins, histoire de me dire que je ne passais pas mon temps à servir à rien. C'est ainsi que j'avais entepris de partir me balader du côté des Plaines Versatiles, au coeur de l'île principale de l'archipel. Etonnament, j'avais beau arpenter la région depuis quelques temps maintenant, je ne m'y était jamais vraiment trop attardé, malgré l'incroyable spectacle qu'elle réservait. Facile à décrire, et d'une simplicité déconcertante : Une gigantesque étendue d'herbes assez hautes, à perte de vue, battue par les vents glacés annonciateurs de la saison froide. Parfois, un petit rocher ou un pauvre arbre, isolé et perdu dans cet océan de verdure, accompagné d'un petit étang... Mais rien de plus. Simple et banal, mais majestueux à cette heure de la journée : Le soleil se couchait, coloriant le ciel de couleurs brulantes, là où les plaines semblaient elles aussi s'embraser.

J'en avais interrompu mon entraînement afin de pouvoir observer le spectacle. Poussifeu ne semblait pas s'en être spécialement offusqué, d'ailleurs. J'avais mis une pause à mon étude de terrain pour passer un peu de temps avec lui, en tête à tête. Il se sentait pousser des ailes, depuis quelques temps, visiblement avide de se prouver à lui même qu'il était capable du meilleur... et pourtant. Lorsqu'il était maître de lui même, il n'osait pas : Encore terriblement timide, le pokemon avait tendance à attendre mon aval pour un peu tout. Je savais malheureusement à quoi c'étiat du : Alors que sa confiance en lui naissait timidement, je l'avais refroidie lorsqu'il s'était élancé dans un combat contre l'un de ses congénères sur le Chemin Sacré, n'ayant absolument rien écouté à mes ordres à ce moment là. C'était bien le soucis avec lui : Il ne savait absolument pas se contrôler lorsqu'il osait, et n'osait que très rarement oser, étant alors bien trop sur la réserve. Une question d'équilibre fragile, lié à son manque de confiance en lui, j'en étais intimement persuadé.

Alors, je m'étais mis en tête de m'entraîner avec lui, comme pour consolider des acquis. Mais le spectacle était venu interrompre ce moment... avant qu'autre chose ne vienne interrompre le spectacle. Un évènement inattendu de ceux qui pourraient sembler providentiels... Mais je ne m'en rendais alors pas compte. Tandis que je prenais soin de retrouver mon vieil appareil photo dans le fond de mon sac, je ne prétais pas vraiment attention à un vrombissement sourd qui avait commencé à naître à l'ouest de ma position. C'est Poussifeu qui m'avertit, poussant des piaillements interrogatifs. Encore en train de savoir que j'étais présent...


- J'te disais que tu devais m'écouter dans les combats, Poussifeu, mais va aussi falloir que tu prennes un peu ton envol. T'es tout le temps sur la réserve, c'est pas comme ça que tu vas progresser...


Mon ton était un poil agacé, malgré moi : Je ne lui en voulais pas, mais il était quand même un peu fatiguant, de temps à autre. Je ne savais plus comment lui expliquer... M'enfin, les choses ne changeaient pas si facilement. La question était plutôt... C'était quoi ça ? J'avais beau plisser les yeux, je peinais à voir clairement ce qu'il se passait, à cause de la lumière aveuglante du crépuscule. Je ne savais qu'une chose, cela se rapprochait... Je me relevais, récupérant mes affaires au sol, sur mes gardes, une main sur l'une des pokeball de mes compagnons. De la poussière, des masses courrantes dans cette direction... Et un ranger qui courrait devant ? En me voyant, je le vis d'ailleurs commencer à crier dans ma direction.


- Restez pas là ! Je crois que j'ai du les énerver malgré moi !...


J'étais abasourdi, ne sachant pas trop quoi penser : Face à moi, un ranger visiblement très jeune était en train de remuer les bras pour m'avertir, coursé par toute une troupe de Doduos, un Dodrio se trouvant même à leur tête. Des pokemons pas connus pour leur jugeote... Qu'est ce qu'il avait bien pu faire, ce ranger, pour les mettre dans cet étât ? Pas vraiment le temps d'y penser : J'attrapais en vitesse la pokeball de Léviator, le faisant sortir avant de grimper précipitament sur son dos, Poussifeu dans mes bras. Voyant que le ranger en herbe ne semblait pas avoir d'autre solution en tête que de courrir, je fis signe à mon pokemon de raser le sol en direction du bonhomme. Et à en juger par les plumes plantées dans son chapeau, je commençais à comprendre un peu mieux pourquoi les bestiaux s'étaient énervés. Je tendais une main au jeune homme en passant à côté de lui, posant Poussifeu à côté de moi.


- J'crois que j'commence à comprendre. Montez ! Poussifeu, fait gaffe à ne p... POUSSIFEU !


Concentré sur le jeune ranger que je hissais avec difficulté sur Léviator, l'homme ne semblant pas plus dégourdi avec les Léviator qu'avec les Doduo, j'avais manqué de temps pour prévenir en amont Poussifeu. Je m'attendais à le voir tremblant, mais je ne compris que trop tard : Le pokemon me jeta un regard de défi alors qu'il était en train d'aider du mieux qu'il pouvait à remonter le ranger en tirant sur une corde accrochée dans son dos. J'avais bien vu qu'il n'avait pas aimé la remarque que je lui avait faite un peu plus tôt, mais je ne m'attendais pas à ce que mon injonction à la prudence ne provoque chez lui ce type de réaction : Le pokemon prit au pied de la lettre ma demande précédente, et sauta du dos de Léviator, la corde du ranger toujours dans le bec... Nan mais c'était une blague ?! Il me faisait quoi là, un chantage au suicide ? Les Doduo, menés par leur chef Dodrio, n'étaient plus très loins, et voilà désormais que Poussifeu était dans l'herbe, l'air passablement énervé, faisant face à la petite armée lui fonçant dessus. Trop tard pour remonter... Je me préparais à sauter lorsque Léviator redécolla subitement, ne me permettant plus de rejoindre le sol en sécurité.


- Léviator, qu'est ce que tu fous ?! Retourne tout de suite au sol !


J'avais hésité à lui demander de déchaîner un assaut sur la bande de volatiles sauvages, ce qui aurait au moins eu le mérite de mettre un terme à toute notion de danger. Le ranger aurait sans doutes peu apprécié, mais je me moquais pas mal de son avis, d'autant plus que je venais de lui sauver les miches après que monsieur ne se soit amuser à piquer des plumes à des Doduo paisibles pour les foutre sur son chapeau... Quel gamin. Non, je ne pouvais simplement pas attaquer pour le risque que cela ferait courrir à Poussifeu. Par contre, pourquoi Léviator avait redécollé en sachant très bien comment je réagirais...


- Il faudra sérieusement que l'on s'expli...


Ce fut Poussifeu qui vint m'apporter la réponse : Lâchant la corde qu'il avait entraîné dans sa chute, le pokemon commença à balancer toute une volée de flammèches dans les cieux, faisant toujours face aux pokemons en pleine course. Je reconnaissais son expression... C'était la même que celle qu'il avait eu en faisant face, au Volcan ou sur le Chemin Sacré. Il était prêt à en découdre. Mais un Poussifeu n'avait rien à voir avec ce qui lui fonçait dessus. C'était ça, que Léviator avait voulu me faire comprendre ? Qu'il fallait que je lui fasse confiance ? C'était folie... Je me mordais les lèvres. Trop tard désormais...


- Poussifeu, tient bon !


Pas une demande de faire attention, de fuir ou de se cacher, cette fois. Il ne pouvait de toutes manière plus, c'était déjà trop tard : En dessous de nous, le troupeau venait d'arriver à hauteur de Poussifeu, qui avait disparu dans la masse et la terre qu'elle soulevait en piétinant les herbes hautes. Le sang ne fit qu'un tour dans ma tête... La peur. Mais Léviator avait raison, je me devais de lui faire confiance. Je ne pouvais pas l'abandonner, de toutes manières. Une fois le troupeau passé, je scrutais le sol en dessous de nous, à la recherche d'une trace de Poussifeu... Trace que je ne vis point. Un soupçon de doute vint agrémenter mes craintes.


- Mais qu'est ce qu'il fout, votre Pokemon, avec cette corde ?!


Je me retournais vers le ranger, ayant presque oublié sa présence, les yeux grands ouverts en direction de son doigt pointé : La cohorte de Doduo et leur meneur Dodio étaient en train de tourner en rond dans leur course. Pas très étonnant, ils ne se rendaient probablement même pas compte que celui après qui ils couraient n'était même plus devant eux. Ce qui l'était bien plus par contre, c'était la forme blanche visible dans le plumage du Dodrio... Poussifeu ?!?! Le pokemon avait la corde dans l'une des pattes, cette dernière flottant dans les airs derrière lui, pendant qu'il s'accrochait non sans mal au plumage du pokemon, semblant se hisser petit à petit, finissant par arriver sur son dos. Mais qu'est ce qu'iils foutait au juste ? Le Dodrio sembla ralentir quelque peu, lorsqu'une lumière vive vint rayonner sur son dos, semblant offrir un deuxième soleil à l'horizone de la plaine verdoyante. Il me semblait comprendre... Tout comme je commençais à comprendre à quel point j'avais pu être stupide de douter de mon compagnon : L'évolution de Poussifeu sembla effrayer la troupe de Doduo qui couraient après leur chef, et ils se mirent à courir en ordre dispesé, prenant plus d'écart. Le Dodrio, lui, semblait un peu paniqué et courait plus vite que jamais, tandis que la lumière faiblissait peu à peu... et révélait un spectacle étonnant.


- Poussifeu... T'es un génie.


Je parlais tout seul, mais je n'avais pas pu m'empêcher de penser à voix haute : Celui qui était désormais un Galifeu était littéralement en train de chevaucher le pokemon vol, la corde toujours accrochée dans sa main. D'un geste vif, je le vis alors l'enrouler autour de la tête de droite de Dodrio, avant de tirer de toute ses forces à la manière d'un fermier en freinage d'urgence sur sa calèche. Le pokemon vol fut forcé de plier une de ses têtes vers la droite, tandis qu'il courait toujours en avant. Résultat des courses ? Le pokemon s'emméla les pinceaux sous la direction de Galifeu, se vautrant dans les herbes en roulant sur plusieurs mètres. Galifeu, lui, avait réussi à sauter juste à temps, se positionnant devant le Dodio au sol. Les Doduo, à la suite de leur chef, s'arrêterent en voyant que celui ci en avait fait de même... L'oiseau semblait furieux. Il se releva avec rage, non sans mal, avant que Galifeu ne se mette à courrir dans sa direction, de grandes gerbes de flammes noires l'entourant dans une Danseflamme des plus impressionnantes. Cela sembla aussi être l'avis du pokemon sauvage, qui ne demanda pas son reste : Poussant des piaillements paniques, le pokemon fit demi tour, courant en direction inverse, bientôt suivi par sa cour abrutie. Le vrombissement jusque alors ininterrompu commença à s'estomper, tandis que j'étais complètement abasourdi. Galifeu fixait ses adversaires fuyant au crépuscule, tandis que Léviator vint nous poser prêt de mon pokemon flamboyant. Ce fut le ranger qui rompit le silence.


- Eh beh, c'est un dur à cuir votre pokemon ! Heureusement que z'étiez là...


Galifeu bomba le torse sous les mots du ranger, me regardant d'abord d'un air de défi... puis avec un air de malice. Un sourire fendit mon visage jusqu'alors choqué, tandis que l'émotion me montait aux yeux. La fierté. Comment aurait-il pu en être autrement face à pareil spectacle ? Je m'apprêtais à lui dire combien j'étais désolé d'avoir douté, et pour toutes les fautes que j'avais pu faire. Mais Galifeu s'approcha de moi, poing en avant, voulant visiblement un simple check, visiblement heureux. Il avait gagné tant d'assurance... J'avais l'impression d'être face à un autre pokemon. Mais c'était bien Poussifeu, qui avait simplement grandi. Le pokemon était resplendissant, dans la plaine flamboyante. Je venais répondre à sa demande, le sourire aux lèvres. Jamais plus je ne douterais. Il était loin, le pokemon chétif, craignant toute forme de vie, du village de Noël. Se dressait là un fier héros, au crépuscule naissant.


- Bien joué, Galifeu. T'es un vrai héros, sans l'ombre d'un doute.

Défi :