Le quasi début de l'aventure [Ft. Shinichi]

▬ Un bouc ? Comme l’animal ? Qu’est-ce que vous voulez faire avec ça ?
▬ Non. Un book. Comme un livre. Une sélection de vos meilleures œuvres pour que nous puissions juger de votre talent et de vos aptitudes à travailler pour nous. Vous comprenez nous ne prenons que les meilleurs.

Autrement dit, ils ne m’embaucheront pas. Bah ! Au moins j’aurais essayé. Je savais que c’était une mauvaise idée de postuler ici. Jusqu’à maintenant je n’ai travaillé que dans des studios miteux ou chez des petits couturiers. Là, c’est du lourd ! En effet, je me trouve au siège de la célèbre boîte Clic & Tic ! Ils sont connus pour avoir réalisé des vêtements et décors d’exceptions pour tout un tas d’acteurs et actrices célèbres ! Étant dans l’incapacité de fournir un book à mes interlocuteurs je quitte les locaux. Je reviendrai lorsque j’aurais quelque chose de décent à présenter. J’ai bien entendu deux ou trois carnets dans lesquels se trouvent mes différents dessins mais je ne peux décemment pas leur montrer ça. D’une car certaines de ces créations sont personnelle et de deux car il y a de tout ; des paysages, des portraits et un nombre incalculable d’oeuvres ratées, de pages gribouillées voire déchirées.

Après avoir effectué un premier tour des studios de la ville et essuyé plusieurs refus, je décide de prendre une pause bien méritée et m’installe dans un restaurant. Étant peu inspiré aujourd’hui, je  commande la même chose que mon voisin de droite et attends patiemment que le serveur me donne mon plat. Mon steak aux antibiotiques et mes frites industrielles complètement desséchées ne tardent pas à arriver. Youpi. Écoeuré, je regarde le plat et le mets de côté. De loin, ce que mangeait mon voisin n’avait pas l’air si mauvais. Entre mes recherches qui se passent mal et ça, ce n’est définitivement pas mon jour.

Une demoiselle d’à peu près mon âge pénètre dans l’enceinte de l’établissement, s’installe et commande à son tour quelque chose. Je ne sais pas pourquoi mais son visage me dit quelque chose. Il me semble avoir déjà vu cette personne quelque part mais où ?
▬ Hum.
Je me gratte la tête et essaie de me souvenir, sans grand succès. Pourtant je suis presque certain de la connaître. Je me lève de mon siège et accoste la demoiselle avec sobriété.
▬ COUCOU.
… Ça commence bien. On a vu mieux comme approche. Heureusement que j’ai dit « sobriété » :
▬ Dis, on s’est déjà vu quelque part, non ? Enfin je crois. Je ne sais plus. Enfin, j’en suis sûr. Ta tête me dit quelque chose. Hum. Désolé si je parais bizarre hein.
Bizarre, le mot est faible. J’accoste une inconnue comme ça, sans qu’elle n’ait rien demandé et me mets à raconter n’importe quoi. Dans d’autres circonstances, certains auraient déjà appelé la police.  Ceci-dit, je n’en démords pas. Je la connais. J’en suis persuadé. Une camarade de classe peut-être ? Non. Je m’en serais souvenu. Quelqu’un que j’ai croisé à Vermilava ? Je ne crois pas non plus. Une personne que j’ai vu à la télé ? … Oh. C’est peut-être ça en vérité. Mais oui ! Voilà ! Cela me revient. Avant même qu’elle n’ait le temps d’ouvrir la bouche, je poursuis :
▬ Mais oui ! Tu es la fille de Sinnoh qui fait des concours Pokémon !
Et de mémoire elle était plutôt douée dans le domaine. Certes je n’arrive toujours pas à mettre un nom sur son visage mais je sais au moins qui elle est !

Soudain un éclair de génie. Je dois réaliser un book et donc potentiellement d’avoir un modèle pour porter certaines de mes créations. Et j’ai justement une célébrité devant moi. Enfin ancienne célébrité. Il semble, si ma mémoire ne me fait pas défaut, qu’elle a tout laché pour faire autre chose.
▬ Au fait, je m’appelle Shinichi. Et toi, tu t’appelles comment déjà ?
Voici une question très bizarre compte-tenu du fait que, quelques secondes auparavant, je me suis empressé d’affirmer que je la connaissais. Oh et puisqu’on y est, une dernière question pour la route :
▬ Je te dérange pas j’espère ?
Bien sûr que je la dérange. Mais je m’en fiche un peu à dire vrai. Ça se saurait si j’en avais quelque chose à faire du ressenti de mes interlocuteurs.

« Un gars comme moi ça ne s’oublie pas ». A bien y réfléchir, je ne suis pas certain que ce soit un compliment mais, sur le coup, je prends la chose plutôt positivement. Après tout c’est bien connu je suis Shin-oubliable !
Pas toujours dans le bon sens du terme mais peu importe. Ce n’est à mon sens qu’un détail futile ! Tout comme le T-Shirt taché de la demoiselle. Demoiselle que je finis par reconnaître et qui me confirme être « la fille de Sinnoh qui fait des concours ». J’avais donc vu juste ! Comme quoi, j’ai parfois une bonne mémoire ! Certes cette dernière n’est pas assez développée pour retrouver le nom de l’adolescente mais je ne suis pas peu fier de m’être rappelé d’elle. D’autant que Masha a bien changé en quelques années. Je dérange l’ancienne coordinatrice mais la dresseuse au Tortipouss m’invite tout de même à m’asseoire auprès d’elle. Super. C’est précisément ce que je souhaitais : M’installer à ses côtés.
▬ Yup. J’en regardais souvent quand ça passait à la télé. Ça, les tournois Pokémons et les retransmissions des différentes ligues. Et oui, j’ai participé à deux ou trois concours et tournois. J’ai eu quelques résultats décents, fais quelques demies-finales et autres mais je ne suis pas très doué.

Aux dernières nouvelles et d’après mon mentor je suis même : « Super hyper méga nul », c’est dire ! Ceci-dit j’ai quelques qualités.
▬ J’aime bien participer mais ce n’est pas spécialement dans ça que j’excelle. Par contre je suis plutôt bon dessinateur, couturier et décorateur. Tu veux voir ?
C’est une question rhétorique. Oui, bien sûr qu’elle veut ! À peine a-t-elle répondu que je sors de mon sac un carnet et l’ouvre à une page quelconque. Soit dit en passant, je tourne la tête vers le Tortipouss :
▬ C’est ton Pokémon ? Il a l’air plutôt … Jeune.
De mémoire, Masha participait aux concours avec un Lipoutou et non avec un Pokémon de type plante. J’imagine qu’elle la reçu d’Acacia ou l’a capturé sur une des routes de Mhyone. D’ailleurs cela m’amène à lui poser une nouvelle question – oui, encore une.
▬ Tu es ici depuis longtemps ? Moi, oui. Six mois. Ou peut-être un peu plus. Je ne sais plus trop en fait.

Il faut dire que je n’ai jamais été très doué avec les dates. J’ai beau avoir dix-sept ans, je ne connais toujours pas les mois de l’année dans le bon ordre. Je tourne machinalement les pages de mon carnet et la laisse voir mes différentes œuvres – du moins si cela l’intéresse – et poursuis :
▬ D’ailleurs tu es venue ici pour participer aux concours de la région ou simplement pour voyager ?

Je suis sûr qu’elle pourrait gagner ! Si quelqu’un comme moi a réussi à atterrir en demie-finale du dernier concours alors je n’ose pas imaginer jusqu’où elle pourrait aller. Je parle tellement que je me perds moi-même. De base, j’étais venu lui parler afin de lui demander une faveur et nous voici en train de parler de tout à fait autre chose.