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- Journal de Alice Aurora Hendel - Voyage à Mhyone - Préambule
Flandre et moi sommes arrivées ce matin sur l'archipel par l'avion qui nous a déposé à Nox Illum. Mon oncle est venu nous y chercher et nous a ramené à son appartement, où nous allons passer quelques jours avant de prendre la route. Il n'a quasiment pas décroché un mot de tout le trajet, mais il gardait toujours un léger sourire sur ses lèvres. J'en conclus que c'est un homme bien.
Je me repose dans le lit de la chambre qui sera mienne quelques jours, avant que je ne prenne la route pour le début de mon aventure avec mon compagnon de voyage. Pour autant, je n'arrive pas à trouver le sommeil, contrairement à Flandre qui est allée s'endormir sur le haut d'une étagère. Je suis prise d'une furieuse envie d'écrire qui m'empêche de trouver le repos. D'où l'idée du journal, ça m'occupera bien quelques temps.
Je n'ai pas grand chose à dire sur Mhyone étant donné que je n'y suis que depuis quelques heures. Aussi vais-je me servir de ses premières pages comme un préambule, afin que le lecteur, si tant est qu'il existe, puisse se faire une idée de l'auteur de ces pages.
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Je m'appelle Alice Aurora Hendel. Je suis né il y a vingt ans, dans la ville de Mérouville, à Hoenn. Mon père était un cadre de la société Devon, tandis que ma mère était enseignante à l'école de la ville. Il n'est rien de réellement notable, si ce n'est un point qui aura son importance par la suite : le reste de ma famille vit à Kanto, et étant fille unique, je n'ai longtemps été confrontée qu'à mes seuls parents, jusqu'à ce que je rentre à l'école.
J'avais l'école en horreur. Il ne se passait pas un jour sans que je pleure, que je hurle pour qu'on me ramène chez moi et que je refuse toute communication, que ce soit avec les enseignants ou avec les autres enfants, ces derniers s'étant très vite mis à se moquer de moi, me surnommant "Alice la geignarde". Ce comportement passa pendant un temps pour celui d'une enfant insupportable et capricieuse, mais vers mes 7 ans, si les pleurs et les cris avaient disparus, ils avaient été remplacées par un isolement complet dans le fond de la salle et un refus total de participer aux récréations ou de manger dans la cantine avec les autres enfants. Sur les conseils des instituteurs que j'avais eu jusqu'alors, mes parents m'envoyèrent consulter un psychologue.
Celui-ci lutta longuement pour me faire prononcer le moindre mot, mais le verdict tomba assez vite : j'étais un cas extrêmement précoce de "phobie sociale", j'étais tout à fait incapable d'interagir avec d'autres personnes que mes géniteurs. En résumé, j'étais complètement inapte socialement.
J'eus à ce moment-là plus de chances que d'autres enfants dans mon cas aurait pu en avoir. Mon père gagnant très bien sa vie, ma mère prit la décision d'abandonner son travail pour me faire l'école à la maison, afin que je ne décroche pas complètement du système scolaire. Je lui en suis encore redevable aujourd'hui.
Cela dura jusqu'à mes 13 ans. Ma vie ne fut pas des plus palpitantes, donc là encore, je n'ai pas grand chose à souligner, si ce n'est que les rares tentatives que ma mère fit jusqu'à mes 10 ans pour tenter de me resociabiliser, comme par exemple m'emmener au centre commercial ou au cinéma, s'avérèrent être des échecs plus ou moins cuisants.
Plus j'avançais en âge, plus je me rendais compte du côté assez misérable de ma condition, et c'est ainsi que j'ai commencé à développer mon caractère assez apathique et naturellement porté à la tristesse. Avec cet état, ma condition physique se détériorait, j'étais rentrée dans un cercle vicieux auto-destructeur. J'étais maigre à faire peur et je tombais souvent malade.
Je ne saurais trop expliquer à quel moment j'eus le déclic qui me poussa à tenter de me sortir de là, mais ce qui est sûr, c'est que je fis part à ma mère, pendant les vacances d'été de mes 13 ans, de retourner au collège pour suivre une scolarité normale. Après quelques démarches administratives et des tests d'aptitude que j'eus à réaliser depuis mon domicile, j'étais à nouveau inscrite dans le système scolaire classique.
Le rythme fut assez dur à tenir au début. Je n'avais jamais été très active, et la découverte des devoirs à la maison, des interros et autres joyeusetés me donna du mal. Heureusement, j'avais pour moi l'éducation que m'avais apporté ma mère, qui m'avait permis d'être en avance sur le programme scolaire, aussi les cours n'étaient jamais compliqués à comprendre et à assimiler.
Le plus dur fut certainement de tenter de me réintégrer socialement, d'autant que je ne fus pas aidé. En effet, avant même que j'arrive dans ma classe, les autres enfants et les enseignants étaient déjà au courant de mon problème. Les regards qu'on me portait exprimait diverses opinions : de la pitié et de la condescendance, beaucoup, du mépris souvent, et des gestes qui se voulaient rassurants très rarement. Ces derniers auraient pu m'être d'une grande aide si les personnes ne se voyaient pas comme de preux chevaliers devant venir à ma rescousse, mettant ainsi bien trop d'entrain à tenter de me parler et d'établir le contact. J'ai fini par les fuir pour retrouver mon cocon insonore du fond de la salle, ils me faisaient peur. Je préférais encore les autres qui avaient fini par m'ignorer.
Il faut bien comprendre que la plupart des enfants ici se connaissaient depuis l'école primaire, et que les groupes étaient déjà bien formés. J'étais bien trop peureuse pour tenter de m'intégrer dans un groupe, et voir quatre ou cinq personnes s'approcher de moi n'entraînait qu'un mouvement de repli de ma part.
Et pourtant, j'ai vraiment essayé de m'intégrer. J'ai tenté de participer aux animations de classe, je prenais de temps en temps la parole en classe, et je faisais même parfois les devoirs de mes camarades, qui me respectaient au moins pour mes bonnes notes. Mais je passais mon temps à faire des bourdes, à blesser les gens par mes mots, ou à pleurer sans raison parce que j'avais l'impression de n'arriver à rien.
Les choses empirèrent peu à peu, plus le temps avançait, plus les autres me considéraient comme une espèce de curiosité avec laquelle ils pouvaient s'amuser à ses dépends. Je me souviens que le jeu populaire, quand j'avais 15 ans, était de réussir à me faire pleurer sans me frapper ni m'insulter. Honnêtement, ce n'était pas si dur que ça : il suffisait de me demander de faire quelque chose de compliqué pour soit disant "rendre service", et dans toute ma bonne volonté, j'étais en pleurs quand je n'y arrivais pas.
Avec le recul, je peux maintenant dire que je les déteste. Mes bons résultats ne suffirent pas à me donner la motivation pour rester au lycée, et dès que j'eus 16 ans, je pris la décision de quitter le système scolaire.
J'étais remontée contre le monde entier, aussi ai-je passé près de deux mois enfermée dans ma chambre à ne littéralement rien faire.
Pour autant, je respectais assez mes parents, qui avaient tout fait pour contribuer à mon bonheur, pour ne pas rester dans cet état de charge pour eux. Avec l'aide de mon père, je réussis à trouver du travail pour permettre une rentrée d'argent au foyer. J'étais assistante dans une bibliothèque, je me chargeais de mettre des étiquettes sur les livres et de ranger les ouvrages que l'on recevait ou que l'on nous rapportait. Un travail qui n'avait rien de passionnant, mais qui m'évitais trop de contact humain.
Je restais néanmoins assez triste, me demandant régulièrement ce que j'allais être amenée à faire de ma vie...
Ma vie connu un tournant le jour de mes 18 ans. C'était une journée de travail pour moi, aussi n'ai-je pu rentrer chez mes parents que le soir. Ils me souriaient quand je suis arrivé, et après m'avoir souhaité un joyeux anniversaire, me dirent que mon cadeau était dans ma chambre. Je m'y dirigeai sans grande conviction, n'ayant jamais été particulièrement enthousiasmée par les cadeaux. Mais celui-ci devait me suivre longtemps.
Sur mon lit, au milieu de mes peluches, se tenait une étrange créature qui me regardait avec un air doux. Un oiseau bleu avec un plumage ressemblant étonnamment à un nuage. Un Tylton, comme j'en avais vu dans mes livres... Alors que je m'approchais de lui, le pokémon se mit à sautiller, et s'approcha de moi pour poser sa tête contre mon ventre avec un air de contentement. J'eus un imperceptible mouvement de recul, puis me repris. Je restais là quelques secondes, puis osais enfin lui caresser le haut du crâne, ce qui lui fit émettre un roucoulement heureux.
Mes parents m'apprirent que c'était une femelle, je décidai de la surnommer Flandre. Il s'agissait d'un cadeau commun avec l'un de mes oncles qui avait récemment déménagé de Kanto. En tant qu'ancien dresseur, il n'avait pas eu trop de mal à se procurer le pokémon.
Flandre était assez différente de moi. Sociable, joueuse, enjouée... Avoir ce pokémon à ma charge me força à sortir plus souvent, et même si j'avais toujours du mal avec les gens, l'extérieur m'apparaissait bien moins hostile que par le passé. Je pus même échanger quelques mots avec des passants grâce à elle. Ce Tylton avait un véritable pouvoir socialisant sur moi.
Le résultat dépassa les espérances de mes parents. Je n'étais toujours pas une personne particulièrement ouverte, mais à 20 ans, j'avais réussi à vaincre ma phobie sociale. Je restais blasée par le genre humain, mais je ne le fuyais plus.
Se posait néanmoins encore la question de ce que j'allais faire de ma vie. J'évitais de trop en parler, mais j'étais très honnêtement inquiète, je ne pouvais pas vivre éternellement chez mes parents.
Mais ces derniers furent une fois de plus prévoyants à mon égard. Avec l'oncle qui m'avait offert mon pokémon, il m'avait organisé un départ pour l'archipel de Mhyone. L'endroit était bien moins peuplé que Hoenn et plus apte à me faire vivre une vie enrichissante. Un nouveau départ, en somme, dans l'idée de devenir une dresseuse. L'idée de ne leur était pas venu de nulle part, ils avaient bien vu mon intérêt pour les livres traitant du dressage, mon attachement à Flandre ayant validé leur volonté.
C'est donc ainsi que je me suis retrouvé à quitter mon pays pour démarrer une nouvelle vie.
On frappe à ma porte. Mon oncle doit m'emmener voir le professeur pokémon local. J'avais eu un topo sur la situation de l'archipel, et de ce que j'avais compris, il fallait que je me recense comme appartenant à une sorte de faction... J'avais choisi l'emblème, plus ou moins par défaut. Qui sait, peut-être m'y trouverai-je une vocation ?