Sleepy hollow — Capture #5

J'ouvre les yeux. Est-ce que.. Je suis encore endormi ? Non. J'ai bien entendu une porte qui grinçait. Je suis quasi-certain que c'est ce qui m'a réveillé. Mais là, j'ai encore un peu du mal à me repérer. Dans le noir complet, je glisse ma main afin de prendre connaissance de mon environnement : mes doigts suivent les courbures de la couette, jusqu'à effleurer la peau d'Estelle et, enfin, me donner des indices sur ma situation actuelle. J'ai compris. Si ma mémoire est bonne, ma bien-aimée est rentrée assez tard, hier soir, et bien que nous ayons eu une sorte de.. conflit ? Ou d'incompréhension mutuelle, plutôt, mais la soirée s'est tout de même terminée en beauté. Plus que je n'aurai jamais osé l'espérer, d'ailleurs.

J'émerge doucement. Bien décidé à savoir d'où venait ce bruit, je dépose un doux baiser dans le cou de ma chérie et, aussi discrètement que possible, m'extirpe du lit pour aller m'habiller. Aussi silencieusement que possible, je m'approche de la porte est passe ma main au niveau de l’entrebâillement : comme je le pensais, elle est ouverte. Le soucis, c'est qu'il est impossible de l'ouvrir de l'extérieur, sans la clé, donc c'est que.. Ah. Mon pied a heurté quelque chose. J'attrape l'objet, une page de journal, semblerait-il, et m'approche de la fenêtre pour y voir plus clair : c'est un des articles que j'ai mobilisé durant mes recherches ! Celui-ci disait que, depuis quelques jours, des groupes de Crabicoque envahissaient les jardins du château de Dulem, comme si ils étaient attirés par le lieu. Ça m'avait intéressé, mais par faute de temps, j'avais mis le texte de côté.

Je commence à comprendre. Par précaution, je vérifie tout de même si, oui ou non, la pokéball de Mensa est occupée par son locataire. Et.. Non. Ce n'est pas le cas. En gros, je peux en déduire que le pokémon lithicole est parti rejoindre ses amis dans une propriété privée. Et moi.. Je suis obligé de le suivre, pas vrai ? Je ne vais pas le laisser livré à lui-même, surtout si il est en proie aux doutes ou je ne sais quel changement d'humeur qui pourrait impacter notre relation. C'est aussi une occasion en or de connaître la raison de la présence des insectes, mais ça.. C'est une raison secondaire, bien entendu. Je termine de m'habiller, et bien que je sois un peu triste de quitter le lit pour partir en vadrouille, je me promet que, coûte que coûte, je rentrerais assez vite pour m'occuper de ma petite étoile.

J'attrape la pokéball d'Orion, ferme la porte silencieusement, et commence à marcher dans la direction du château.


J'ai passé les barrières, et je me retrouve enfin dans les jardins des De Dulem. Je suis quasiment sûr que personne ne fera de ronde à cette heure-ci, donc ça devrait théoriquement me laisser le temps de chercher Mensa pour le ramener avec moi. Il est encore très tôt, et la lumière du jour, bien qu'assez claire, se perd un peu dans le brouillard qui nimbe les haies et les sculptures florales. Je n'aurai pas pensé, mais c'est un vrai labyrinthe, ce jardin ! Je ne m'imagine même pas ce que ça devait être quand Estelle s'est aventurée dans le château.

Enfin.. Déjà, je ne peux même pas dire que c'est un miracle que je sois arrivé jusqu'ici, car comme d'habitude, c'est mon Scarhino qui m'a guidé. Étrangement, il n'a pas râlé : ça faisait un moment que je n'avais pas eu recours à ses services, et je le soupçonne de s'être senti abandonné avec nos dernières mésaventures. Mais, enfin.. Ce n'est pas le cas. Maintenant que je le sais, toutefois, je vais faire en sorte de le côtoyer davantage. Je n'ai pas envie qu'il ai l'impression d'être mis de côté. Tout comme Mensa, d'ailleurs ! Il faut que je comprenne pourquoi elle s'est échappée, ça m'intrigue.

Ma visibilité est réduite, ici. Je suis certain d'être seul avec mon garde du corps, et pourtant.. J'ai comme l'impression d'entendre des bruits. Des murmures, même. J'aurai de la visite ?

HRP:

Ah, ce n'est qu'un spectre. Petit, flottant dans les airs, la mine morose.. Un vrai de vrai. Eh ! Je n'ai pas rencontré quelqu'un qui adorait ces pokémons, le mois dernier ? Un garçon de mon âge, T.. Timothy, je crois ? Cette même personne qui était en possession d'un sublime spécimen de Pyronille femelle, le genre de créature qui ne passe pas inaperçu pour un passionné dans mon genre. Néanmoins, par politesse et par égard pour sa gentillesse, j'avais suspendu l'offre afin que, dans un futur proche, je puisse lui trouver une contrepartie digne de ce nom. Je ne lui ai pas envoyé de message, depuis lors, et lui non plus, mais si notre accord tiens toujours, ça pourrait être une occasion de lui fournir ce qu'il souhaite.

Ça m'intéresse plus, d'un coup. Comment est-ce qu'on capture un spectre ? Comme tous les autres pokémons, je suppose. Il m'a semblé que le garçon n'avait pas de spécimen de cette espèce, donc ça lui conviendra probablement. Le regard focalisé sur ma proie, je glisse une main à ma ceinture pour attraper une de mes pokéballs de réserve. Qu'il ne bouge pas ! Je n'ai pas envie de batailler trente minutes avec lui, surtout si je ne compte pas m'en occuper moi-même. Orion me regarde d'ailleurs avec un air d'incompréhension, surpris que, moi, Ren Lowell, je bouscule mes habitudes pour jeter mon dévolu sur un type spectre. Il ne sait simplement pas qu'il y a une raison légitime derrière cette tentative, et surtout, loin d'être désintéressée.

Mais, alors que je m'apprête à lui lancer la sphère à la figure, la petite bougie s'en va. Elle traverse les haies en direction du château, sans vraiment me laisser le temps de partir à sa poursuite. Eh.. Bah.. Tant pis ? Je suppose qu'il ne voulait pas être capturé, celui-la, donc je ne vais pas insister. De toute manière, même si l'endroit tombe à pic pour que je m'occupe de notre affaire, je suis là avant tout pour récupérer Mensa. Elle, elle est bien dans mon équipe, et je n'ai pas envie de la laisser trop longtemps toute seule. Pour ça, je continue de longer les haies, jusqu'à entendre une sorte de cliquetis. Est-ce que je m'approcherais du but ?

HRP:

Ah, trouvé ! C'est bien Mensa, j'ai reconnu son rocher. Je m'approche doucement, et alors que j'arrive à portée, une petite ombre file à travers le brouillard. Il y avait un autre pokémon.. ? Bah ! Peu importe, j'ai trouvé ma cible. Le visage un peu inquiet, je plie les genoux pour me mettre à hauteur du pokémon lithicole : elle n'a pas l'air blessée, ni particulièrement choquée ou stressée, alors qu'est-ce qu'elle fait là ? Plutôt que de m'embrouiller l'esprit, je ferais mieux de lui demander.

Ça va ? Pourquoi est-ce que tu t'es enfuie ?

La petite insecte me regarde un moment, hésitante. Finalement, elle fait demi-tour et, sous mon nez, me présente toute la longueur de sa carapace. Ah. Aaah ! J'ai compris. Le roc est effrité sur dix bons centimètres, ça doit la gêner de le porter, surtout en sachant qu'il pourrait finir par s'écrouler. Est-ce qu'elle serait venue ici pour trouver une nouvelle maison ? Je ne me suis pas attardé sur les images de l'article, mais peut-être y avait-il des représentations de rochers qui, d'une façon ou d'une autre, auraient pu attirer son œil.

Ça expliquerait la présence d'autres Crabicoque. Ces même spécimens que je n'ai toujours pas aperçu, d'ailleurs. Mais bon ! J'ai trouvé la raison de sa présence, donc tout ce qu'il me reste à faire, c'est de l'aider à trouver un rocher à son goût et de la ramener à la maison. Je déplie mes jambes, et lui fait signe de me suivre.

On va faire le tour des haies pour te trouver un joli abri.

Je commence donc à marcher. Je n'ai pas prêté attention là où je marchais, avec tout ce brouillard, mais si on s'éloigne un peu des sculptures florales et qu'on se rapproche des escarpements, il devrait bien y avoir de quoi trouver son bonheur. Et.. Maintenant que j'y pense, la brume ne s'est toujours pas dissipée. Tout comme les murmures. Est-ce que je ne serais pas suivi depuis le début, d'ailleurs ? Je ne tendais pas les oreilles, mais maintenant que je suis focalisé dessus, la voix me semble un peu plus récurrente. J'en viens même à ressentir une présence.

Je me retourne.

HRP:

Pas celui-la.. Pas celui-ci.. J'ai beau lui désigner les plus beaux rochers du jardin, Mensa n'a pas l'air convaincue. Et Orion ? Il ne semble pas s'ennuyer. Il marche tranquillement, profite de la balade et, de temps en temps, m'accorde de petits regards enjoués. Lui tout comme moi, nous avons simplement besoin d'une présence plaisante pour nous épanouir, qu'importe l'activité dans laquelle nous nous entraînons. Bon.. Il y a des choses un peu moins amusantes que d'autres, mais juste se promener, ça a l'air de lui suffire. Moi, je fais le choix de la quantité : je n'ai pas l’œil d'un Crabicoque pour juger de la qualité des abris, donc je préfère proposer le maximum de choix à ma camarade pour que, au final, elle ait de quoi se décider.

C'est juste un peu laborieux.

Nous passons vingt bonnes minutes à ratisser les lieux, jusqu'à finalement tomber sur une petite carrière naturelle, pas très loin des barrières. Parfait ! Je m'approche avec mes deux insectes, jusqu'à me retrouver au centre du creux rocheux. Pour la première fois depuis qu'elle m'accompagne, j'ai comme l'impression d’apercevoir une lueur de motivation dans les yeux de Mensa : elle frétille d'impatience à l'idée d'inspecter tous ces abris potentiels, et je ne peux pas lui en vouloir. C'est dans ses gênes, après tout. Comme elle s'affaire déjà bien à la tâche, je me fais accompagner d'Orion et vais faire une ronde près des barrières. Au moins, le brouillard s'est estompé ! C'est pratique de voir à plus de deux mètres, surtout quand on a un sens de l'orientation douteux comme le mien.

Pour le coup, je me demande si Estelle s'est levée ? Ça m'étonnerait. Avec nos.. Enfin, on a été trop occupés pour se coucher tôt, et même si Mensa m'a réveillé, j'espère que ma chérie, elle, profite de son sommeil. Je n'ai pas arrêté de bailler depuis que j'ai quitté la chambre, et mes yeux, eux, ne se sont toujours pas habitués à la lumière. Je n'ai pas l'habitude de dormir aussi peu, après tout.. Et je ne compte pas m'y habituer. Une bonne nuit revitalisante, c'est important pour la santé.

Je plisse les yeux. Devant moi, un peu plus bas, j'ai l'impression d’apercevoir une forme distordue. Une sorte de.. ballon ? Eh, en y regardant de plus près, je suis quasi-sûr que c'est un spectre. Mensa est occupée, et je n'ai rien à faire : c'est peut-être le moment de tuer le temps en m'acquittant de ma tête ? Le fantôme de tout à l'heure a réussi à s'échapper, mais je mettrais ma main à couper que celui-la ne m'a pas remarqué. Est-ce que.. ?

Oui, je tente. J'attrape la même pokéball que tout à l'heure, et effectue un petit lancer en cloche. Ça devrait passer, non ?

HRP:

Tic, tic et tac. Attrapé ? Tant mieux. Je descend la petite marche et, aussi prudemment que possible, vais récupérer la pokéball tombée à terre. Une bonne chose de faite ! Si l'accord tient toujours, et le contraire m'étonnerait, je n'aurai plus qu'à envoyer un message au fameux Timothy pour nous fixer un lieu de rendez-vous. En soi, il y a de fortes chances qu'il soit à l'autre bout de l'archipel et que, aussi pressé que je puisse être, nous ne puissions nous retrouver qu'après un long tour d'une ou deux semaines. Mais qu'importe ? Je sais être patient. Et puis, ce n'est qu'un détail, mais j'aimerais profiter de l'occasion pour en apprendre plus sur le garçon : il m'avait paru.. très timide, la dernière fois ? Assez réservé, peu bavard.. Un cas classique. Toutefois ! Il y avait bien le ton typique de la personne passionnée dans ses propos, et que je le veuille ou non, ça m'a rendu curieux.

Enfin. Je retourne auprès de Mensa : elle a l'air d'avoir trouvé son bonheur.. Enfin ! Un petit rocher en forme de spirale, tout à fait adapté à sa taille, et creusé précisément par ses soins. Elle n'aura plus de mal à se mouvoir, avec celui-la, et étant donné sa texture, elle ne risque pas de l'abîmer de la même manière que le précédent. Et.. Je n'ai plus rien à faire ici. Je tourne les talons, accompagné de mes deux camarades, et pokéball en main. Avec un peu de chance, je pourrais retrouver Estelle et me recoucher sans trop de mal. Car, pour être honnête avec moi-même, je suis sacrément fatigué.

On y va.