Le savoir c'est le pouvoir (EUPHEMIA)

Occupe-toi de la boutique, je dois passer rendre quelque chose à Mina. Je n'en ai pas pour longtemps, ajouta Jaspe Jefmin, le père de Jaffar, en voyant l'air que prenait son fils à l'idée de gérer seul la librairie familiale, la Mandragore. Tu fais ça tous les jours avec moi, je ne doute pas que tu t'en sortes admirablement bien. Et Lily seras là pour t'aider ! La abo se mit au garde-à-vous, sifflant son assentiment. Quelques minutes plus tard, la clochette de la porte se refermant tinta dans le silence de la librairie.

Jaffar observa le lieu, son architecture ancienne, la couleur sombre du bois la constituant, la tonne de livres qu'ils vendaient, puis inspira profondément. Aide-moi à ranger un peu l'étagère là-bas demanda t-il à Lily ; l'abo serpenta jusqu'à lui et l'aida à transporter quelques livres anciens à la couverture poussiéreuse. Père n'en a pas pour longtemps. Une fois rangés, je pourrais peut-être même reprendre les notes sur Arceus, tu sais, je- mais il sursauta en entendant la clochette ; son père avait-il fait si vite ? Il manqua de tomber à la renverse sur son échelle, se raccrocha à l'étagère et fit tomber quelques livres. Se mordant la lèvre inférieure, il sauta les derniers degrés de son escabeau, laissant Lily ranger les derniers vestiges de son envie d'ordre. Il pénétra dans le hall, ses pieds ne faisant pas de bruit sur le tapis de l'entrée. Bonj-urgl s'étrangla t-il.

Misère de misère ! C'était une fille ! Il recula de quelques pas, les yeux un peu écarquillés. Si il avait pu partir en courant, il l'aurait fait. Il rougit violemment, la bouche ouverte comme un magicarpe hors de l'eau, et resta bêtement planté là, à moitié empêtré dans un salut cordial.

La jeune fille avait de longs cheveux violets, ce qui contrastait avec sa peau pâle. Mais au-delà de tout ça, Jaffar avait immédiatement baissé les yeux, les joues cramaoisies, incapable de dire un mot de plus. Dans un sifflement exaspéré, Lily le dépassa non sans lui cogner durement le tibia. Dans le plus pur style bouge tes fesses, c'est une cliente. La serpente jeta un coup d'oeil à la demoiselle et alla s'installer sur le comptoir comme la maîtresse des lieux, observant comment son protégé allait s'en sortir. Puis, le regard gris comme l'ardoise de Jaffar se posa sur le pokémon à côté de la demoiselle - et soudain, son inconfort se fit moins pressant. Il déglutit, alors que son esprit notait que les amagaras étaient plutôt rares, revenus à la vie en tant que fossiles. Fascinant.

Je, heu, hem, bienvenue ? essaya t-il d'une voix un peu défaillante, et il fut soulagé de la voir arpenter d'elle-même les rayons. Il observa le manège de la dresseuse, qui venait d'ordonner à son pokémon de ne pas faire de bêtises. Comment ça ? L'idée qu'un pokémon aussi fascinant puisse ravager la Mandragore lui donna un frisson. Il alla se placer debout près du comptoir, une main frôlant les écailles froides de Lily, qui s'enroula autour de son bras, cherchant sa chaleur et essayant de le réconforter, sa tête allant se blottir dans son cou. Que-heu hein ? sursauta t-il, alors que la demoiselle posait innocemment une question. Il se tourna très lentement vers elle, exagérant sa vigilance. La langue de Lily siffla à son oreille, lui faisant manquer une grimace. Allez, un peu de courage ! Les jambes presque flageolantes, il tenta une réponse.

Les, hem, livres sur la mythologie et les dragons ? et il réalisa. Son regard s'alluma un peu, et il reprit de la constance. Cela dépend de quelle époque, et quel genre de mythologie, mais tout ce qui est ancien se trouve à-bas, suivez-moi et ils firent quelques pas jusqu'à une pièce sous une arche, où d'anciens libres reliés étaient posés avec soin sur des étagères propres. Nous avons quelques ouvrages sur la naissance des pokémons et la hiérarchie des dieux pokémons, ainsi que sur leurs mythes les plus courant. Vous disiez les dragons hm déclara t-il tout haut, puis il se mit à chercher, sa main gauche libre du abo courant sur les couvrtures, tandis que le pokémon serpent retombait au sol avec souplesse. Puis-je avoir l'outrecuidance de demander si c'est uniquement votre curiosité qui vous pousse à de telles recherches ? Ou est-ce pour une autre raison ? Une fois lancé sur ses sujets de prédilection, sa timidité s'effaçait, laissant un jeune homme bien plus affable. Lily eut un sourire - au moins, il n'allait pas flageoler des jambes en tentant de s'enfuir. Elle n'avait pas trop à s'en faire, de toute évidence. Elle cherchait des livres sur les dragons - il avait quelques titres qui lui venaient à l'esprit, et tout en les cherchant, il fit attention à ne pas heurter la demoiselle en allant de droite et de gauche.

Jaffar n'aimait pas trop l'idée de laisser la dinosaure dans le hall, mais il devait répondre aux demandes des clients. Aussi féminins et jolis soient-ils. Et puis, elle s'intéressait aux dragons et aux légendes, alors déjà, elle marquait des points. Il était à son aise, finalement - c'était son territoire, ses livres, sa boutique. Il était capable de l'aider, et c'était les seules choses qui comptaient. Il se baissait, montait à demi sur des escabeaux, et finit par trouver ce qu'il cherchait, et tout en posant divers livres à couvertures décorées sur une table, il écouta attentivement la réponse, curieux de savoir ce qui amenait la jeune femme à creuse sa curiosité vis à vis de tels sujets.

Une spécialité dragon hein ? fit-il avec un sourire, non pas moqueur, mais admiratif. Il avait toujours un peu jalousé les gens qui savaient ce qu'ils voulaient. De toute évidence, la demoiselle avait ses propres désirs et se donnait les moyens d'y réussir. De plus, les pokémons dragons étaient des créatures puissantes et anciennes, et il y avait beaucoup de livres sur eux, leurs origines et leurs modes de vie. Les dracaufeux sont de ce genre de pokémon, effectivement, dont l'étymologie contient le mot dragon, mais dont les types ne concordent pas avec le type dragon. Il est vrai que c'est étonnant. Votre Amagara est une créature étonnante également : on pourrait la croire affiliée aux dragons, avec son long cou et sa stature imposante, mais elle est de type roche et glace, deux types liés ensembles et très fort. Voilà qu'il bavardait gaiement, en descendant d'un escabeau, comme si de rien n'était. Voici quelques livres sur le sujet. L'étymologie des mots, mais également les légendes sur les dragons anciens et les fossiles, la disparition des dragons dans certaines régions ...

Jaffar observa la jeune femme de nouveau, et rougissant un peu, fit un sourire timide. C'est étonnant de voir une si forte détermination chez quelqu'un. La tournure de phrase en faisait un compliment. Lily s'était enroulée près du tas de livres sur le sujet des dragons, observant avec autant de curiosité que son dresseur l'inconnue. Comme si le fil de ses pensées s'égarait, il sursauta. Oh, je suis navré, où sont mes manières ? Je m'appelle Jaffar, Jaffar Jefmin. Je suis le fils du propriétaire des lieux et cette fois, cela sonnait comme une excuse. Il se gratta le bout du nez, regagnant à chaque seconde un peu de timidité et de naïveté.

Il voyait parfaitement ce qu'elle voulait dire - même si les pokémons qu'elle choisissait n'avaient pas le type dragons, ils étaient pour elle de véritables bêtes, des dragons quand même. Par un certain côté, c'était à la fois naïf et beau, comme vision. Quels pokémons choissiseriez-vous, comme dragons ? Hormis dracaufeu ? Léviator, peut-être. C'était un gigantesque pokémon, ô combien puissant, et tout dans sa physionomie rappellait les dragons ancestraux, serpentins ou ophidiens, capables de détruire le monde par leur force.

Il était content de voir que tout cela lui serait utile. Mais, à présent qu'il avait fini de bavasser sur ses sujets, il revenait à sa bonne habitude - le bégaiement et le rougissement. C'est que, après tout, même si ils s'étaient parlés, elle était rudement jolie et gentille. Il se dandina d'un pied sur l'autre, visiblement mal à l'aise. Il n'avait pas envie qu'elle parte, mais c'était comme si il aurait préféré l'écouter parler à quelqu'un d'autre. Être extérieur à elle, pour pouvoir l'admirer et l'écouter, sans avoir à tout gâcher avec ses paroles ou sa maladresse. Elle se présenta, et il s'inclina avec politesse, les joues roses. Enchanté. Souhaitez-vous boire quelque chose ? Une boisson chaude, ou un soda frais, peut-être ?

Il se tourna vers le pokémon dinosaure qui s'était collé aux jambes de sa dresseuse. La question qui lui brûlait les lèvres s'échappa. Quel pokémon incroyable. L'avez-vous eu en tant que fossile ? Il rougit de nouveau et évita le regarde de la demoiselle. Excusez-moi, je me montre trop curieux et présomptueux, mais c'est le premier amagara que je vois. Il me semble qu'ils ne se trouvent plus qu'à l'état de fossiles ... Il rêvait de pokémons anciens, de titans d'autrefois, non pas puissants mais uniquement parce qu'ils étaient les ancres d'une autre époque. Il voulait des amis intelligents, des pokémons capables de le faire voyager et partageant son envie d'aventures. Est-ce que vous avez d'autres pokémons ? Des dragons, par exemple ? Comme elle aimait ce type, c'était plus que probable.

Bien entendu - cet amagara devait beaucoup compter à ses yeux. Tout en allant chercher du café, du chocolat chaud et de l'eau bouillante pour le thé, afin de laisser le choix à la demoiselle, il songea que, parfois, les passions rapprochent. Il avait encore ce frémissement effrayé devant la volonté et la joie de vivre d'Euphémia, mais l'idée qu'ils puissent s'apporter un peu de savoir calmait son angoisse.

Il installa un plateau devant deux sièges, dans une pièce à côté de l'arche aux livres anciens. La cour intérieure était fermée, il faisait trop froid pour y sortir. Il s'installa avec la demoiselle, les servit, eux et leurs pokémons, et resta totalement fasciné. Une expédition ? murmura t-il, des étoiles dans les yeux. Cela le ramenait de façon trop douloureuse à son propre père, mais il ne pouvait s'empêcher d'en rêver. Il cligna des yeux et but une gorgée de thé, incapable de ne pas être jaloux : elle avait trouvé un fossile, et l'avait ramené à la vie. Combien aurait-il donné pour vivre une aventure similaire ? Tout l'or du monde, sûrement. Lily vint se placer sur ses genoux, dans une position confortable, et le tira de ses pensées en réclamant des caresses.

Un draco ? Ces pokémons sont magnifiques ! s'exclama t-il d'un ton émerveillé. C'était un vrai dragon, celui là, faisant partie des mythes, même si les minidracos n'étaient pas une légendes et que certains dracologues possédaient des dracolosses. Ils font partie des dragons anciens, mythiques, qui auraient été là depuis l'aube des temps dit-il d'un ton plus bas, pensif et admiratif. Il soupira. Je n'en reviens pas. Vous possédez des pokémons incroyables, et vous avez déjà participé à une exploration. Vous pourriez écrire des livres fit-il avec un pauvre sourire. Comment lui expliquer qu'il rêvait d'accompagner son père, un ancien explorateur ? Il ne voulait pas paraître se plaindre. Mais il rêvait d'aventure, comme un gamin, lui qui vivait la tête dans les livres. Vous devez être souvent sur les routes, pour accomplir de telles choses remarqua t-il, en songeant au confort dont il usait, et au fait qu'il avait un toit sur la tête et de quoi manger à chaque fois qu'il le voulait. Les voyageurs n'avaient pas ce luxe. Et il n'était pas assez courageux ni ambitieux pour tout envoyer valser - sauf si son père l'accompagnait. Il n'était pas valeureux ni brave - il n'était qu'un adolescent presque adulte, qui finirait sa vie dans une librairie à rêver des aventures que d'autres vivent.

Il manqua de s'étrangler dans sa tasse en entendant ses mots : dénigrait-elle ses propres aventures ? Il lui jeta un regard narquois. Elle avait peut-être frôlé la mort ou le danger, mais si ce n'était pas des aventures, ça, alors il était moine ! Il s'imagina un instant devant fuir face à des pokémons puissants, l'atmosphère étouffante, l'angoisse d'être prisonnier. Mais elle s'en était sortie, elle, et à présent, elle pouvait le raconter. Cela devait être quelque chose, que de raconter tout ça. Ce n'était peut-être pas volontaire, mais vous avez vécu des aventures fantastiques. Le genre d'aventures que vivait mon père, quand il était explorateur. Et voilà. Il parlait encore de son père, et d'un ton un peu jaloux, en plus ! Il soupira, les lèvres sur le rebord de sa tasse.

La question sortit Jaffar de sa réflexion, et son regard se ferma - comme si il réprimait l'envie soudaine d'exploser. Non pas à cause d'Euphémia, mais à l'idée d'avoir toujours été tenu, ici, comme un malosse bien dressé. En fait, je n'ai déménagé à Méridian il y a seulement quelques années. Je pars, parfois, dans les grandes villes livrer des livres, mais je ne suis jamais réellement parti, non. J'aimerai beaucoup. Même si ça n'arrivera sûrement jamais. Catégorique. Il n'était pas assez sauvage, fougueux, pour partir à l'aventure. Mon père préfère que je garde la librairie et que je sois capable de m'en occuper. Voilà un joli avenir doré tout tracé - et pourtant, il se sentait ingrat de vouloir tour rejeter pour vivre les rêves d'enfant, les explorations avec son père, les dangers. Et resserrer leur lien qui se dénouait comme un fil de tricot dont un miaouss s'amuserait. Il réalisa qu'il n'était guère joyeux, et se redressa, un sourire de façade sur le visage. Excusez-moi, je vous embête avec mes écarts.