Lemee Kuromyne
Région d'origine : Rhode Messages : 15
| Sujet: Soleil noir et sable rouge Ven 12 Mai 2017 - 18:18 | |
| Je ne suis pas fait d'espoir ni de certitude. J’ai jeté mes convictions et appréhensions. Les optimistes diront que je suis pragmatique, ils ont tort. Personne d’autre que moi ne peut me définir à cet instant.
L’air frais de l’océan, le vent salé imprégnant mes cheveux, le son des vagues contre la coque du bateau… J’en ai rêvé, mais au lieu de cela, j’ai, durant tout le long du voyage, nettoyé de la vaisselle et aidé aux nettoyages des salles des moteurs, des cales, et des cabinets. Cette traversée fut longue, mais touchait enfin à son terme. Pour ma part du moins. Le capitaine eut le même rire lorsque je suis descendu du bateau, que lorsque je suis allé le voir pour la première fois. Je ne l'appréciais guère, et supportais encore moins son haleine de rat. Tarsal, lui, passais le plus clair de son temps à dormir ou à regarder par la fenêtre, j’avais décidé de le laisser se reposer.
Je franchissais enfin le quai de débarquement de Port-Lilas, mes jambes faisaient pâle figure comparé à celles du reste des hommes y travaillant. Tarsal avait l’air tout aussi fatigué que moi, mais c’était plus moral que physique. Qui l'eut cru, moi, me retrouvant dans une autre ville que celle où je suis né, avec un pokémon de surcroît. Lors de mon réveil sur le navire, et les jours qui le suivirent, j’avais eu de nombreuses réflexions sur ce qui était arrivé, et sur l’état de santé de ma soeur. Tant de souvenirs et d’idées me revenaient au fil des jours, et plus je m’y plongeais, moins je restais terre à terre. Nombreux furent les reproches du capitaine, pourtant je ne me rappelle d’aucun sermon, et encore moins de ses présences. Cependant, quelque peu avant notre arrivée sur Port-Lilas, ma vision des choses avait totalement changé. Ce jour-là, Tarsal avait le regard fixé en permanence sur moi. J’osais à peine imaginer s’il y était pour quelque chose, mais je me sentais libéré d’un poids, plus lourd que le monde.
La vue était magnifique, pas tant par ses bâtiments, qui étaient tous collés les uns au autres, que par cette grande arche en pierre, qui donnait à ce lieu une aura particulière. Même le phare, à côté, faisait pâle figure à côté du temple sous l’arche en pierre. Son aspect doré reflétait tous les rayons du soleil sur la mer, donnant un spectacle magnifique. L’île en soi n’était pas très grande, et il y avait plus d’arbre et de verdure que de trace de civilisation, pourtant bon nombre d’habitants avait l’air d’y vivre, y avait-il vraiment ma sœur dans ce décor ?
J’appréhendais chaque pas que je faisais vers le centre de la ville portuaire. Ils n’étaient pas lourds ni lents et encore moins récalcitrants, mais hésitants. A chaque fois que je voyais un nouveau bâtiment, je faisais deux ou trois pas vers celui-ci avant d’en voir un nouveau. J'étais perdu et les goélises semblaient y rire.
Les quelques maigres indications me conduisirent vers un vieux bâtiment, avec tellement de broussaille, de lianes grimpantes, et de fissures sur les murs, que sans le logo du centre Pokémon à côté, je ne m’y serais pas arrêté. Longuement, je pris le temps d’ouvrir la porte, lorsqu'un sans-gêne me brusqua en l’ouvrant entièrement. L'intérieur du bâtiment était tout l’inverse de son extérieur. Lumineuse, habillée et bien décorée, l’entrée rayonnait de bleu où chaque meuble avait sa place. L’homme qui m’avait brusqué bafouillait sur une infirmière Joëlle, j’avais du mal à le comprendre avec le peu d'attention que je lui accordais, je n’osais imaginer ce qui en était pour l'infirmière. Je vis, sur le côté droit de l’entrée qui donnait sur un long couloir, quelques bandes de police, et un homme de couleur noir, en tenue de policier. Il tenait un stylo qu’il n'arrêtait pas d'agiter vers divers endroit d’une pièce du couloir, tout en marmonnant certaines choses. L’homme n'avait pas l’air d’avoir encore fini de bafouiller avec l'infirmière Joëlle, je me résolus donc à aller voir le policier. Je n’eus à faire que quelque pas dans sa direction avant qu’il ne me remarque. Un petit peu sur les nerfs ? En tout cas, il prit les devants et m’interogea sur ma venue. Il avait un accent si fort, que je devais me concentrer sur chacun de ses mots pour en comprendre la phrase.
Vo’ arrivé du bateau, c’ca ? C’est exact. Comment vous savez qu- Ca s’voit su’ vot’ visage. ‘Dirait que vo’ avez vu un fantominus. Euh.... J’imagine… Il se passe quoi ici ? Hep, c’est ma’ qui pose les questions, c’est ma’ l’agent de police ‘ci. J’imagine aussi… Vo’, pourquoi vous êtes la ? Je cherche l'hôpital, mais je crois m'être trompé. Nah, c’est bien là, regardez, l’bas c’est l’aile pour les pokémons, et le couloir où on est, c’est l’aile pour les humains. ‘Malade ?
Il n’avait pas l’air de chercher quelque chose en particulier de moi, pourtant, il souriait constamment à chacune de ses questions.
Non, je cherche quelqu’un à vrai dire.
A l’instant où j’avais terminé ma phrase, je pensai à Tarsal, qui était resté silencieux jusqu'à présent. Je l’avais même pour ainsi dire oublié. Heureusement qu’il m’avait suivi, je n’aurais pas remarqué s’il avait disparu.
Ah, ‘avez de la famille ici ‘lors ? Bienvenue sur l’île dans c’cas. Vous cherchez qui ?
Pendant qu’il me posait encore une question, je pris le temps de regarder Tarsal. Il avait encore les yeux scrutés sur moi, l’air concentré. Je me demandais à quoi il pouvait bien penser.
C’est ça. Ma soeur. La capitaine d’un bateau de transport m’a dit qu’il l'avait déposée ici, il y a plusieurs semaines. Ah, ben il y a pas grand monde d’admis ici en général en dehors des pokémons. Comment est-elle ?
Comment est-elle ? Ne préfère-t-il pas connaître le nom, et regarder sur une liste ? J’avais du mal à comprendre ses intentions.
Euh, eh bien plus petite que moi, un peu plus jeune aussi. De longs cheveux marron avec une mèche violette, et un ruban blanc autour de celle-ci. La dernière fois que je l’ai vue, elle portait… Elle portait…
J’avais du mal à me concentrer. Plus je me focalisais sur le souvenir, moins je m’en approchais. Une violente douleur à la tête commençait à émerger, pourtant j'étais sûr de savoir ce qu’elle avait ce jour-là. Je me rappelle même l’avoir embrassée, alors comment se fait-il que je m’en souvienne pas ?!
Ben, vous tombez pas mal. Des personnes comme ça, y’en a pas dix ici. La petite fille, elle est partie y’a deux nuits. ‘suis ici pour enquêter, mais j’ai rien trouvé depuis.
Partie ? Comment ça ? D’elle même ? Pourquoi serait-elle partie. Elle savait que quelqu’un viendrait. Maman en premier, ensuite moi, et finalement mon père, mais quelqu’un serait venu. Plus je réfléchissais à ses intentions, plus mes pensées allaient vers Tarsal. Il avait l’air épuisé, mais continuait de me fixer, tout en restant silencieux. Le policier m’interrompit brusquement dans mes pensées, réalisant qu’il avait coupé court au silence que j’avais installé.
Vo’ avez pas l’air bien. Vo’ pokémon non plus. Vo’ Tarsal semble même plus fatigué que vo’. Vous avez raison. La traversée jusqu’ici a été longue et éprouvante. On ne s’est pas encore vraiment reposés, ni avons connu une réelle nuit de sommeil depuis quelques semaines, mais on le fera ce soir. C’soir ? Faites attention, il risque d’y avoir pas mal de pluie, pis du vent aussi, enfin tant que vous êtes pas dehors dans la boue, ça ira.
Une nuit de pluie.. Un vent froid et glaçant… De la boue recouvrant l’herbe écrasée et humide du jardin…
Oh, et si jamais quelque chose vo’ revient, je suis encore là pendant 3 jours, alors n’hésitez pas à venir, ou à contacter l’vieux commissaire Rhydes, il traîne sûrement dans la ville à cette heure-ci de la journée, ou bien dans un café, à rire de tout. Un bon gars, mais c’est pas comme ça qu’on va résoudre des enquêtes. En fait, c’est ma première enquête, et j’aimerais vraiment la..
J'arrivais de moins en moins à comprendre ce que disait ce policier… Rhydes ? Je me rappelle maintenant. Je ne l’ai jamais oublié, simplement je n’y pensais plus. Au fur et à mesure que j’y pensais, mes cinq sens me faisaient défauts, mes jambes tentaient tant bien que mal de me soutenir, et aucun son n’arrivait à sortir de ma bouche.
Je vacillais, légèrement de gauche à droite, manquant plusieurs fois de rentrer dans l’homme de loi, puis m'écroula finalement sur le chaud carrelage du centre. Le policier fut pris de panique, et appela l'infirmière Joëlle, tandis qu'à ce même instant, je vis Tarsal, s'écrouler aussi, sur moi. Je mis tout en oeuvre pour déposer mon bras sur sa tête, le manquant plusieurs fois entre ma vision trouble, et mes bras affaiblis. Sa robe était verte et bleu ! Je m’en souviens maintenant, elle était longue et à fermeture éclair. Je ne l’ai jamais oublié, comme Rhydes, je n’y pensais plus… Je ne pense plus… Ma tête me faisait horriblement mal, et je m'abandonnais au noir qui venait.
J’avais l’impression qu’il s’agissait d’un sommeil éternel, où ni queue ni tête ne donnait de sens à mes rêves. Tous ces jours, endormi dans la chambre d'hôpital, la seule chose que je discernais, était l’odeur répugnante des fleurs sur la table d’en face. Des lilas ? Un deuil ? je n’y comprenais rien, et je n’étais pas le seul. Comment ça, pas le seul ? J’avais l’impression de ne pas être seul dans ma tête...
Quelques jours plus tard, j’avais compris que Tarsal avait joué sur mes souvenirs, mais je n’arrivais pas à en comprendre le sens. Et à cause de cela, il perdit lui aussi connaissance. En meilleur état, je lui rendis visite dans l’aile gauche du centre. Il n'avait pas l’air en mauvaise forme, mais tous ces instruments autour de lui me donnaient sans doute tort. Il était réveillé, et tandis que son regard vagabondait, il me fixa dès le moment où il m'entendit rentrer. Nos yeux suffisaient pour communiquer, contrairement à d’habitude. Tout ce temps, où je ne pensais plus à ces événements, j'étais comme libre, et heureux, en quête de ma soeur. Toutes ces personnes que j’ai croisées, sur le navire, sur l'île, dans la rue… Ils n’en ont que faire. Et pourquoi devraient-ils s’en soucier après tout. Ils ignorent tout. Les hommes osent exploiter la faiblesse des autres, d’autres ne vous regardent même pas, et les derniers vous regardent avec dédain. Ne comptons que sur nous-mêmes Tarsal. Oublions tout le reste, et avançons. Avançons ensemble.
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