Si l’on m’avait dit un jour qu’une si petite pièce pouvait être dans un état pareil, je n’y aurais pas cru. D’ordinaire, ma chambre me semblait bien assez en désordre comme ça ; mais après avoir retourné tous les tiroirs et mis la pièce sens dessus dessous, c’est à peine si je voyais encore le sol. Avec le peu de lumière qui filtrait à travers mes volets, aller de mon lit à l’armoire qui trônait de l’autre côté de la pièce devenait un véritable parcours du combattant si je ne voulais pas risquer de marcher sur quelque chose.
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J’étais pourtant sûre de l’avoir posé dans le coin, soupirai-je.
Rose, t’as pas vu mon...-
Bydouuuu...Je tournai la tête en direction de la Bombydou juste à temps pour la voir, mon portable dans les pattes, descendre… ou plutôt, tomber de plus en plus vite. Le Pokémon se rapprochait petit à petit du lit, mais à ce train-là, il allait le manquer, et pas qu’un peu. L’objet était trop lourd pour elle, Primrose aurait pourtant bien dû le savoir…
A l’idée de voir mon téléphone en miettes par terre, mon sang ne fit qu’un tour ; pas le temps de courir, avec tous les obstacles au sol. Je bondis en direction de Primrose, les mains en avant pour cueillir le téléphone au vol. L’objet et le Pokémon atterrirent dans mes mains sans accroc, mais mon soulagement fut de courte durée. J’avais bien calculé que je devais atterrir sur le lit, mais j’avais oublié un détail - ma chambre étant sous les toits, ma tête cogna dans la sous-pente avec un “Boum” qui résonna dans toute la maison. Je m’assis en tailleur sur le lit en me frottant la tête d’une main. Primrose, elle, avait lâché le téléphone dans ma main et voletait devant moi en faisant des figures acrobatiques comme à son habitude.
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Merci pour l’inquiétude, je retiens.-
Bom !Avec un soupir, je pressai le bouton central du téléphone pour vérifier qu’il fonctionnait toujours. L’armée de notifications du Poryweb me fit oublier quelques instants ce que j’étais en train de faire ; je commençai à lire en diagonale tous les messages que j’avais ratés depuis mon réveil. Je n’étais pas inscrite depuis longtemps, mais c’est fou ce qu…
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Tout va bien, Riley ?La porte de ma chambre s’ouvrit en grand sur mon père qui avait dû m’entendre me fracasser la tête contre le mur. Je lui lançai un grand sourire gêné alors que son regard se portait peu à peu sur le désordre ambiant.
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Ca va, j’ai juste voulu sauver mon portable d’une mort certaine, expliquai-je avec un rire nerveux.
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Qu’est-ce qui s’est passé ici ?-
Ben, c’est à dire que...Je cherchai du regard mon sac en bandoulière plein à rabord, où j’avais réussi à caser tout ce dont j’avais besoin - à part le téléphone, que je cherchais depuis bientôt vingt minutes. Je finis par le trouver sous un t-shirt étalé de tout son long ; je saisis le sac et le posai sur mon lit, sous le regard patient de mon père.
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J’ai pris ma décision, je pars en voyage, expliquai-je sans oser le regarder.
Il est temps que je me prenne en mains.Et si je restais dans cette maison, j’allais continuer de me morfondre jusqu’à la fin des temps, et ça, c’était hors de question. Et surtout, s’il me voyait rester dans mon coin, il continuerait de s’inquiéter pour moi et n’arriverait pas à avancer. Ma décision était prise depuis quelque jours : il fallait que je quitte la maison, que je me trouve un but, et que je m’ouvre au monde.
Ce but, je l’avais trouvé en parcourant le Pokéweb. J’avais ainsi découvert que Mhyone avait des arènes, tout comme les autres régions, mais que pour participer aux combats, il fallait être inscrit au “Poryweb”. Curieuse, j’avais donc parcouru les différents groupes, et avais fini par m’inscrire parmi les Runes, persuadée que cela me permettrait par la suite de trouver de l’animation n’importe quand. Sur le moment, je n’avais pas vraiment l’intention de partir en voyage - c’était une blague de mes parents, une idée jamais prise au sérieux. Mais finalement, en voyant tous ces dresseurs qui discutaient de leurs aventures, les photos d’endroits magnifiques qui m’étaient encore inconnus, j’avais pris la décision de partir vivre ma propre aventure. Et ça commençait par faire le tour de l'île où je me trouvais ; mon premier objectif était donc Bord-au-Vent, où j’avais décidé de me rendre à pieds. Primrose était toute folle depuis que je lui avais expliqué mon idée de voyage. Et maintenant que le grand jour était arrivé, même si j’avais le coeur qui battait la chamade, il n’était pas question de revenir en arrière.
Alors que je craignais la réaction de mon père, celui-ci parcourut la distance qui nous séparait et me serra dans ses bras.
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Tu vas t’en sortir comme un chef, dit-il à mi-voix.
Ne sachant trop que répondre à part un “merci” qui restait bloqué au fond de ma gorge, je l’enlaçai. Le temps me semblait suspendu, jusqu’à ce que Primrose viennent se poser sur ma tête comme pour faire partie du moment, elle aussi.
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Après avoir pris un bon petit déjeuner, vérifié trois fois que je n’avais rien oublié, pris beaucoup trop de rations de nourriture parce que mon père craignait que je meure de faim, j’avais fini par quitter la maison en me convainquant de ne pas pleurer. Jusqu’à ce que je me retourne pour faire un signe de main à mon père et que je le voie, les yeux rougis par les larmes qu’il retenait, sur le pas de la porte. J’avais accéléré le pas en me répétant intérieurement “
Je ne vais pas pleurer. Je ne vais pas pleurer.”. Mais arrivée au premier croisement, je reniflais plus fort qu’un Polarhume, mon sac me semblait bien lourd sur mon épaule, et Primrose faisait des tourbillons dans les airs en piaillant d’excitation.
Un peu de calme, Riley. Première étape pour Bord-au-Vent : sortir de la ville et rejoindre la Route 6. De mémoire, sur la carte de la région, la Route 6 était au nord, mais je n’avais aucune idée de l’endroit où je me trouvais dans la ville. Heureusement pour moi, quelqu’un avait créé une application magique - le GPS, ou “comment ne pas se perdre dans une ville qu’on ne connaît pas”. Je n’avais qu’à allumer mon portable et… constater que je n’avais que quinze pourcents de batterie. Avec un soupir las, je m’arrêtai au milieu du trottoir en contemplant mes différentes options : je pouvais retourner à la maison le temps de le recharger, mais ensuite ce serait encore plus dur de repartir, et je finirais par repousser le départ, encore et encore. C’était hors de question. Je pouvais aller à la bibliothèque, qui était à quelques rues, ou dans un café, et demander si je pouvais le recharger, mais encore une fois, je finirais par perdre du temps, mais ce serait moins grave. Ou alors, je pouvais me débrouiller en économisant mes quinze pourcents jusqu’à trouver un endroit pour me reposer en chemin et le recharger à ce moment-là. Je n’aurais qu’à demander mon chemin aux passants, ce ne serait pas si compliqué.
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Primrose, aujourd’hui est un grand jour.-
By ?-
Aujourd’hui, nous partons en voyage. A l’ancienne.Sous le regard interrogateur de mon Pokémon, je rangeai mon téléphone dans une poche prévue à cet effet de mon sac, et repris ma route.