Un retour qui se passe pas aussi bien que prévu | feat. Ivar & Alexandre

Un retour qui tourne mal

Nous étions donc, à cette table, tous des spécialistes d’un type différent. Je me rappelais d’ailleurs que Charlotte n’était pas la seule à briguer une arène de type feu. Il fallait dire qu’il s’agissait d’une spécialité plutôt populaire d’une manière générale, et je me mis alors à me demander s’il était possible, dans une même région, de pouvoir avoir plusieurs champions spécialisés dans le même type. Je ne connaissais pas bien toutes les ligues, mais il ne me semblait pas que le cas ce soit d’ores et déjà présenté. Tout ça était décidément bien compliqué, et je ne regrettais pas vraiment d’avoir mis de côté cette histoire. Je répondais alors à l’interrogation de la jeune femme.

« Pour ma part, je suis aussi un spécialiste, mais du type sol. Enfin, ce n’est plus vraiment un secret maintenant. » Lançais-je, amusé. « Et, en effet, si tu comptes ouvrir une arène, tu risques de nous voir passer. Pas tout de suite, puisque j’ai déjà planifié ma progression, mais surement un jour. En tout cas, tu as du courage. J’avais envisagé cette solution au départ, lorsque je suis arrivé à Mhyone et que j’étais un dresseur débutant, mais j’ai vite laissé tomber. Ce n’était pas le moins du monde ce qui me correspondait, je dois dire. » Continuais-je, toujours sur le même ton, arborant un fin sourire.

Visiblement, Ivar en était lui aussi venu aux mêmes conclusions que moi, et ne paraissait pas plus fait pour ouvrir une arène que je ne l’étais. Il fallait avouer que c’était beaucoup de temps, et beaucoup d’abnégation. Avoir la présence d’esprit de moduler son niveau pour s’adapter à celui du challenger en face, afin de ne pas être trop sévères lors des premières arènes, ce n’était vraiment pas donné à tout le monde, et j’en aurais été bien incapable. Je repris alors la parole, confirmant les propos d’Ivar.

« Je brigue en effet une place au conseil des 4, mais lorsqu’il sera créé, pas avant. Jusque-là, je dois tout de même prouver que je mérite ce rôle plus qu’un autre, et donc réunir huit badges de la région. » Dis-je, humblement, souriant devant ce paradoxe. « Donc, effectivement. Comme tu peux le constater, il n’y a même pas encore assez de champions pour que nous espérions y arriver. A vrai dire, j’ai déjà les badges de Ryan, Timothy et Elise, il ne me reste donc que Steve et Mélodie à vaincre pour avoir fait le tour des champions actuels. J’ai une amie qui parviendra bientôt à ouvrir la sienne, et, si je te compte avec elle, ça ne fera que sept. Donc rien n’est joué pour l’instant ! » Lançais-je en plaisantant.

Les plats arrivèrent alors, et, alors que nous attaquions le repas, je répondais à la dernière phrase d’Ivar, qui semblait curieux de savoir ce que donnerait un affrontement entre moi et la jeune femme. Il fallait dire qu’il était toujours difficile de définir un vainqueur à l’avance, mais, pour une fois, j’avais l’avantage de type théorique. Enfin, ce n’était pas vraiment le temps pour ça, nous avions tous un long chemin à parcourir avant ce moment.

« Moi contre Charlotte tu veux dire ? Je pense qu’un affrontement entre vous deux serait bien plus instructif. » Lançais-je, taquinant légèrement Ivar. « De toute façon, nous avons largement le temps de nous affronter dans le futur, si tu projettes d’avoir une arène Charlie. » Dis-je à la jeune femme.

Un retour qui tourne mal

La réflexion de Charlotte me fit légèrement sourire. Sur le papier, elle n’avait pas vraiment tort, car le type sol était particulièrement efficace contre son type de prédilection. Aussi, j’aurais peut-être eu un avantage théorique, mais, la théorie, c’était très surfait en réalité. Avec la bonne combinaison d’actions, ou la bonne stratégie, il était possible de se défaire de n’importe quel adversaire. J’en prenais pour exemple mes premières semaines à Mhyone, où, il fallait l’avouer, je perdais combats sur combats. A vrai dire, il m’avait suffi de réfléchir un tant soit peu, et de connaitre les réels atouts et faiblesses de Shax, pour obtenir mes premières victoires. Et ça n’était allé qu’en s’améliorant par la suite. Mon équipe s’était renforcée, et elle avait mûrie aussi. Si bien que tous les types eau, glace, plante ou encore même vol, ne me paraissaient plus si effrayants. Simplement parce que j’avais confiance en mes pokémons, et que je savais que, qu’importe l’avantage ou le désavantages que la théorie voudrait bien leur donner, ils arriveraient, au bout du compte, à l’emporter.

J’écoutais alors Ivar parler d’Hafrn, et, ensuite, de la raison qui l’avait poussée à venir à Mhyone. Il était vrai que, même connaissant le blondinet depuis un petit moment, je ne lui avais encore jamais posé la moindre question à ce sujet, ce qui prouvait que nous avions encore beaucoup à découvrir l’un de l’autre. Comme moi, il était un peu venu ici au hasard, se laissant simplement porter par l’instinct, et par la jeunesse de la région dans laquelle il restait tant à découvrir. Moi, j’avais pour ma part plutôt cherché à échapper aux attaches que j’avais à Hoenn et, qui, à mon sens, m’empêchaient de progresser. Il fallait avouer que la région, plutôt ancienne, n’offrait pas beaucoup d’opportunités pour un nouveau dresseur et, bien que j’éprouvais toujours un fort sentiment d’appartenance par rapport à ma région natale, je devais bien dire me sentir beaucoup plus à l’aise à Mhyone qu’à Hoenn. Mes sables me manquaient, mais j’en faisais volontiers fis pour toutes les aventures que j’avais vécus et que j’allais vivre au sein de la nouvelle région. Ces souvenirs étaient tout aussi précieux que les anciens et, même si j’entendais bien prendre un jour ma revanche sur la ligue d’Hoenn, il était pour l’instant hors de question de quitter la région insulaire. J’attendais donc qu’Ivar termine, avant de prendre la parole à mon tour.

« Pour ma part, j’avais simplement envie de renouveau je crois. Après tout, je ne suis dresseur que depuis trois mois environ, et Hoenn n’est pas vraiment la meilleure région dans laquelle il est bon d’être un débutant. » Dis-je, sur un ton légèrement amusé. « Mhyone était un endroit nouveau, jeune, et particulièrement animé, alors j’ai décidé de foncer et de commencer mon aventure. Et comme Ivar, je ne regrette absolument pas ! » Lançais-je. Je m’apercevais alors que j’avais oublié de répondre à la remarque concernant nos équipes respectives et l’arène de la jeune femme. Je me rattrapais donc.

« Et pour ce qui est d’un combat, je reste persuadé que, quel que soit ton type ou tes pokémons, si tu les connais bien, il n’y a pas de théorie gagnante ou perdante. Peut-être un petit avantage initial, mais, pour moi, c’est tout. Après tout, il y a suffisamment de doubles-types différents chez les pokémons pour qu’il soit possible de créer une équipe équilibrée, même en se spécialisant ! » Dis-je, avant de conclure, souriant à la jeune femme. « Bref ! Et toi Charlie, qu’est-ce que tu viens faire à Mhyone pour ta part ? »

Un retour qui tourne mal

Alors que nous discutions de nos projets respectifs, une curieuse sensation commença à m’envahir. Le repas était agréable, tout comme l’était notre discussion, mais, pourtant, je sentais que quelque chose ne tournait pas vraiment rond. Ce n’était pas la situation, ou un quelconque élément perturbateur venu nous déranger et briser la routine de notre déjeuner, mais plutôt un curieux sentiment qui naissait doucement, en entendant les projets de chacun. A la question de Charlie, je répondais par un simple hochement de tête distrait, alors qu’Ivar semblait, lui, parfaitement satisfait de son repas.

Je n’arrivais pas à me sortir de la tête les pensées qui m’assaillaient. Pourquoi maintenant ? Ce n’était pas du doute, loin de là, mais plutôt, une sorte d’inquiétude. J’en revins alors à l’essentiel, et, surtout, à la raison qui m’avait poussée à quitter Hoenn. L’occasion d’en fin m’arracher à la condition dans laquelle j’avais grandi, et de devenir pour la première fois ce que j’avais toujours rêvé de devenir. Et j’avais réussi. Certes, je pouvais encore beaucoup progresser, mais le pari était tout de même plus que remporté. J’étais devenu un concurrent sérieux, et même, assez curieusement d’ailleurs, quelqu’un que certaines personnes voulaient égaler, ce que je n’aurais jamais vraiment pu concevoir quelques mois plus tôt. Et c’était une sensation étrange, comme de la déception. J’avais pris la place de ce que je prenais pour des modèles, et j’aurais pensé qu’en arriver jusque là serait… je ne savais pas trop. Plus satisfaisant, ou plus glorifiant. Mais ce n’était pas ce que je ressentais, et je commençais à craindre que ça ne le soit jamais. Il me restait encore beaucoup de chemin à parcourir, ainsi que des adversaires puissants à abattre, mais, et après ? Si cette sensation gênante ne s’estompait pas pour laisser la place à quelque chose de plus accompli ? Si le fait d’être au conseil des 4 ne m’apportait, là encore, que davantage de déceptions ? En réalité, j’avais juste peur que la voie que j’avais choisie, et qui me paraissait si étincelante quelques temps auparavant, ne me paraisse maintenant que beaucoup moins attrayante. Je me connaissais, et j’avais toujours besoin d’aller plus loin. Mais il viendrait un jour au ça ne serait plus possible, et où cette ascension fulgurante s’arrêterait. Et si, le jour où elle s’arrêterait, je n’avais pas réussi à éprouver une forme de satisfaction, alors tout ça n’aurait servi à rien.

Il me vint soudain comme l’envie de prendre l’air, et de me couper quelques heures du monde qui m’entourait. Je me redressais alors sur ma chaise, plongeant mon regard dans celui d’Ivar puis de Charlotte, et leur adressant un petit sourire, légèrement forcé, bien que je tâchais de le camoufler du mieux que je pouvais.

« Désolé, je vais devoir y aller. J’ai encore beaucoup d’entrainement et de route devant moi, et il ne faut pas que je tarde. Charlie, merci pour le repas ! Si tu as besoin, un jour, n’hésite pas à demander mon numéro à Ivar, sait-on jamais ! » Lançais-je, faisant un clin d’œil à la jeune femme, avant de poursuivre.

« Ivar, passe le bonjour à Arté ! Je passerais vous voir un de ces quatre. » Dis-je simplement, souriant au jeune homme. Je me levais ensuite pour prendre la direction de la sortie du restaurant. Une fois dehors, sans faire de manières, je m’envolais sur le dos de Shax, sans réellement connaitre ma destination, et espérant qu’une bonne séance d’entrainement suffirait à chasser ses pensées de ma tête.