Oh say can you see — Capture #1

Oh say can you see
Capture

Je ne suis pas perdu. Un miracle ? Même pas. Me connaissant, j'aurai pu douter de ma capacité à arriver à Bord-au-vent en temps et en heure, ou même à parvenir tout court à l'autre bout du village, et pourtant ! Je dois bien en être à la moitié du voyage, vers la fin de la route du tilleul qui, praticable depuis Viridia, permet à qui le souhaite de rattraper la route deux. En gros, on m'a pris en pitié au centre pokémon et on m'a offert une petite carte du réseau routier, toute simple, mais déjà plus accessible que les cartes à télécharger sur smartphone. Grâce à ça, je n'ai eu qu'à suivre le sentier pour traverser la forêt, et le tout sans avoir recours une seule fois aux conseils avisés d'Orion.

C'est super, non ? On pourrait même arriver avant la tombée de la nuit.

L'insecte hoche lentement la tête, une lueur moqueuse dans son regard. Lui, arriver à l'heure ne lui semble pas si insurmontable, mais difficile de comprendre ce que JE ressens sans avoir subi ne serait-ce qu'un quart de ma malédiction. Je peux y mettre toute la bonne volonté du monde, c'est comme si on m'avait réservé un Brocelôme à chaque coin de rue, d'arbre ou de chemin, tout ça pour que je m'égare et que je perde mon temps. Mais bon ! Pour ce coup-ci, c'est un peu raté, car je n'ai qu'à continuer en ligne droite pour qu'il ne m'arrive aucun malheur, et aucune force terrestre ne saurait me dévier de ma résolution.

A côté, Orion marche en balançant son regard sur les arbres. Il lui arrive parfois de jeter un œil à mon sac à dos, l'air plus intéressé qu'il ne le laisse paraître, et détourne aussitôt son petit crâne dès que je fais mine de le remarquer. C'est pas sorcier, j'ai bien compris qu'il en voulait aux baies que j'ai spécialement conservé pour lui, mais les heures du déjeuner son fixe, et il lui faudra encore attendre une petite quinzaine de minutes pour se mettre à table. On ne plaisante pas avec l'alimentation.

HRP:

Oh say can you see
Capture

Bientôt treize heure. Alors que je m'apprête à déballer mon paquetage pour casser la croûte, j'entend un léger bruissement de feuille. Et puis un silence ! Le motus operandi d'un pokémon sauvage maladroit. Je tend l'oreille, intrigué, et signale à Orion de garder le sac à dos. Je fais quelques pas en direction de l'origine du son, le souffle court, et me penche délicatement au-dessus de la végétation pour voir ce qu'il est. A ma grande surprise, je surprend la bouille d'un petit Larveyette qui, lui-même, semble étonné d'avoir été découvert. Je profite de la première impression pour reculer d'un pas, par soucis de me montrer moins menaçant : c'est plutôt évident, mais les Larveyettes sont des pokémons assez infantiles, qui se distinguent par leur curiosité et peuvent être effrayés par un rien. Pour ceux-la, il vaut mieux prendre des pincettes, et se montrer le plus rassurant possible.

D'un coup, j'ai ressenti comme un élan d'excitation. Je n'ai jamais rencontré de Larveyette à Johto, dans la mesure où l'espèce est originaire d'Unys et que les spécimens se montrent assez peu au grand jour. Tout ce que je sais sur eux, c'est tout ce que j'ai lu dans les bouquins ou dans les descriptions pokédex qui leur sont attribués, et c'est sur cette base solide que je dois maintenant construire ma stratégie d'approche. Pour une première rencontre sauvage, je pense bien ne pas faire dans la dentelle et, si il l'accepte, ajouter la compagnie du petit insecte à mon groupe d'étude naissant. Discrètement, je fais signe à mon Scarhino d'ouvrir le sac et d'amener la boîte de baies jusqu'à moi. Le mieux, avec les bébés pokémons, c'est de les amadouer avec un peu de nourriture pour gagner leur confiance, tout en leur donnant un sentiment de sécurité qui, la plupart du temps, leur fait baisser leur garde. De toute façon, je ne compte pas le brusquer et je me jeter sur lui avec une pokéball, donc autant profiter de ce moment pour faire connaissance.

Orion ne se fait pas prier. Il est gourmand, mais il est aussi très appliqué dans sa contribution à mes recherches. Le devoir prime sur le vouloir, et il m'apporte sans tarder la part qui, à l'origine, lui était destinée. Posant trois baies dans le creux de ma main, je tend délicatement la paume en avant, et adresse un sourire qui se veut rassurant au pokémon insecte. La théorie avant la pratique ! Les deux vont ensemble, encore faut-il que je m'y prenne correctement.

HRP:

Oh say can you see
Capture

Eh. Elle marche bien, cette technique. Le Larveyette s'est littéralement jeté sur les baies, au grand dam d'Orion qui, condamné à la politesse, n'a pu qu'admirer son malheur. Je le regarde, la mine un peu désolée, et lui accorde un discret sourire pour compatir à sa peine. Ce qu'il ne sait pas, c'est que j'ai préparé des sandwich de secours. Repu et bienheureux, le pokémon insecte n'hésite pas à se glisser sur mon bras, jusqu'à atteindre mon épaule. Peut-être cherche t-il à reproduire le sentiment de sécurité qu'il ressent dans les hauteurs ? En tout cas, moi, j'ai mes raisons d'être content. Il m'a accepté sans faire de caprice, et a même l'air décidé à continuer un bout de route à mes côtés ! Je n'ai plus qu'à le persuader de signer, et ça sera dans la poche.

Quelques pas en avant, et je retrouve le sac à dos que j'avais laissé par terre. Sans un mot, je fouille rapidement son contenu à la recherche du gros emballage préparé ce matin. Au moins, les sandwich n'ont pas fini écrasés ! Arceus soit loué, j'ai pensé à ne pas trop charger le paquetage ce matin, et ça, c'était la bonne chose à faire. La nourriture compactée, c'est mangeable, mais ça donne pas beaucoup envie. Pas vrai ? Je déroule le film plastique, prépare un sachet en guise de poubelle et, très vite, dispose le repas improvisé sur une souche qui se trouvait à proximité.

Je sépare le repas en parts égales. J'aurai moins à manger, mais mieux vaut ménager Orion sur ce coup-ci, j'aurai un peu de mal à me passer de ses services. Pour la suite du programme, on va peut-être accélérer un peu, car même si je suis incroyablement chanceux d'être tombé sur un Larveyette aussi docile, il faut quand même qu'on arrive avant la tombée de la nuit. Il reste un peu de marche, et je vais en profiter pour convaincre le ou la nouvel(le) arrivant(e) de rejoindre mes rangs. Et puis, il faut que je lui trouve un nom.

Bref, trop de choses à faire, et pas assez de temps pour s'en occuper.

HRP: