From here to eternity ▬ Nathaniel

Hé, mais c'est pas possible, ça !

Est-ce qu'il est condamné à ne jamais savoir ?

A rester dans l'ignorance ?

Non. La prochaine fois, il demandera à sa famille, droit dans les yeux, car la curiosité est un vilain défaut, et que toute soif de connaissances ne saurait être moquée.

«D'accord, d'accord. Mais ça arrivera !»

Dit-il dans toute sa candeur.

Et puis le garçon s'en va, non pas sans une pointe d'amertume. Il aurait aimé se changer les idées, mais dans leur conception du boulot, il n'y a même pas la place pour une minute de glandouille. Affligeant.

«C'EST BON, ON COUPE, C'EST DANS LA BOÎTE. SCÈNE SUIVANTE, FIGURANTS A, B, D, F, EN PLACE, ON TOURNE DANS UNE MINUTE.»

Ah bah, quand on parle d'un fléau.

Mais nan, c'est pas comme ça qu'il faut y penser. Motivation, cerveau, position magasin ! Ok, au top. Il est là pour faire carrière, ou au moins, laisser sa marque dans le monde du cinéma. Son destin est inéluctable.

Le blond se racle la gorge, prêt à faire irruption.

Allez, un peu de sérieux, quand même. Ça tourne, il faut qu'il paraisse naturel, qu'il rentre dans le personnage.

Il n'est plus Nathaniel Miller..

Il est Pierre, le petit stagiaire !

Et pierre qui roule n'amasse pas mousse.

«ACTION !»

You only live once. Pierre slalome entre les bureaux comme un Poichigeon tombé du nid. Il n'a ni l'air rassuré, ni l'air à sa place : c'est un stagiaire, LE stagiaire. Un regard à ses collègues, et c'est toute l'histoire d'un bizutage qui s'exprime au travers de ce simple échange : n'en déplaise à ceux qui ne le croyaient pas capable, le garçon a un certain talent pour jouer un rôle.

Même si c'est souvent dans l'excès.

Mais là, ça va, il se contrôle. Il évite ses bourreaux pour en arriver à l'enquêtrice, qui l'impressionne d'autant plus. Du respect, beaucoup de oui-dires, et surtout, la pression manifeste de devoir passer un document important d'une main à l'autre.

Et pourtant, même si cette tension est palpable chez Pierre, même s'il tente de la maquiller avec une surdose de professionnalisme, tout ça ne dure qu'une seconde. Il lui tend le classeur un peu timidement, et glisse sa politesse.

«Voilà les dossiers, madame.»

Quatre mots. Pas assez forts pour qu'il s'impose, mais pas assez faibles pour qu'ils soient inaudibles : on sent que le garçon, à l'école de police, s'est fais taper sur les doigts plus d'une fois car il ne se faisait pas bien comprendre.

Mais là, c'est un stage.

On ne rigole pas pendant un stage.

Et le garçon hoche la tête. Il s'en va, tout aussi tendu, avant de disparaître du décor.

Done.

«Pas trop mal ? C'est tout ?» Il fait une moue. «J'ai fais de mon mieux, pourtant.»

Bon, c'est pas grave, au moins, il a l'impression de s'être donné à fond. Il fera peut-être pas une carrière internationale, mais avec un peu de chance, le fameux André gardera la scène pour la coller dans le film.

Ça serait cool.

Côté Val, ça discute. Elle voudrait bien rester, car à part la petite discussion de tout à l'heure, c'est vrai qu'ils ont pas trop discuté de ce qu'ils allaient faire par la suite. Bah ! Pourquoi pas, Minami c'est sympa comme ville, et puis il pourra essayer de trouver du boulot s'ils restent un peu plus longtemps que prévu.

«Oui ! Ça me dérange pas. On verra pour la suite, t'inquiète.»

Il est pas pressé, après tout. Et puis, comme elle le fait remarquer (en remuant le couteau dans la plaie soit dit en passant), ils auront peut-être à nouveau besoin de son talent cosmique pour jouer le rôle.

Ça l'embêterait pas de se remettre dans la peau de Pierre, au contraire.

«En tout cas, vous avez une sacrée présence, madame ! Mais bon, c'est un peu logique.»

Pour lui, en tout cas. Si elle avait pas ce don, elle serait peut-être pas là. Et puis, Val a beau être une diva égoïste, elle a hérité d'une bonne part du talent de sa mère. Même si elle a bien bossé pour arriver jusque là !

«Bref, je vais aller me chercher à manger, j'ai suuuuper faim.»

Oui, encore.

«Je me demande s'ils vendent des fruits par ici..» Il fait une moue. «Elles seront jamais aussi cool que chez moi, mais ils doivent bien avoir des pommes, ou même des nectarines ? Ça fait un siècle que j'en ai pas mangé.»

Deux jours, tout au plus.

«Bon, je reviens ! A toute.» Un clin d’œil à sa petite-amie, et il s'éloigne en fanfare.

Comme d'hab.