En état d'arrestation - Alexandre Diame

En état d’arrestation

Ivar, Daphnée, Mélodie et moi étions confortablement installés dans la chambre de fortune qui nous servait de QG depuis quelques jours. Beaucoup de choses s’étaient passées depuis mon retour, et, même si je ne pouvais pas passer plus agréable moment qu’en cet instant, il fallait bien avouer que je ne m’étais pas du tout attendu à un tel accueil. Assis sur le canapé au côté de la championne qui dormait la tête sur mes genoux, je discutais à voix basse avec mes deux autres compères, nous amusant de la série B que nous étions en train de regarder. D’ordinaire, nous préférions largement sortir, mais le climat du jour à Nox ne le permettait pas vraiment. Un orage d’été avait éclaté, et il pleuvait des cordes. Nous avions donc préféré rester bien au chaud à l’intérieur, tout en profitant de la fraicheur qu’apportait l’imposante ondée.

Cette sensation d’être à l’abris et de bien être commençait à peser sur nos esprits, et, pour cause, nous avions veillé tard. Daphnée parti dormir peu après, alors qu’Ivar observait le ciel. Confortablement installé, je commençais presque à m’assoupir, lorsque qu’un téléphone sonna sur la table. Mélodie se redressa en toute hâte, brutalement réveillée par l’appel, et, comme mue par un réflexe, elle s’empara du portable en question et décrocha sans réfléchir. La championne était bien loin d’être de bon poil lorsqu’elle était réveillée, même plus calmement, aussi, elle se mit à directement crier sur la personne au bout du fil.

« Hey ! ça ne va pas de démarcher les gens et de les déranger en plein après-midi ?! On est pas intéressés, merci bien ! » Hurla-t-elle, raccrochant brutalement le combiné et reprenant sa position sans même nous donner plus d’informations.

« Euh… Mélodie ? » Lançais-je, un peu hésitant, à la championne dont la tête avait retrouvé sa place sur mes genoux.

« Hm ? » Grogna-t-elle, visiblement agacée d’être de nouveau dérangée.

« Je suis ravi que tu puisses te reposer, mais tu viens de répondre à mon téléphone, et j’aurais bien aimé savoir qui c’était. » Fis-je, amusé, me penchant vers mon portable pour le récupérer.

« Une agence matrimoniale ou une autre idiotie du genre… et arrête de bouger… tu m’empêche de dormir… » Fit-elle, alors que je consultais mon historique. Cependant, le numéro affiché était très loin de m’être inconnu, comme il aurait dû l’être.

« Tiens c’est marrant, je ne savais pas que la police faisait dans le matrimonial. » Lançais-je amusé, à la jeune femme qui se redressa d’un bon, les yeux écarquillés, m’arrachant presque le portable des mains pour vérifier d’elle-même.

« T’es sérieux ?! » Dit-elle, paniquée, en balayant l’écran, avant d’avoir la réponse à sa question. « Oh merde, Alex, j’suis désolée ! Rappelle ! Vite ! » Me dit-elle, rouge pivoine, et collant son oreille pour elle aussi entendre la discussion et intervenir si besoin. Je composais donc le numéro du poste de police de Méridian, intrigué par leur appel.

« Oui bonjour, Alexandre Diame. Désolé, je crois qu’il y a eu une confusion, vous venez de m’apeller mais j’ai confondu votre numéro. Vous pouvez me repasser la personne qui souhaitait me joindre ? » Dis-je, tâchant de paraitre le plus aimable possible.

« C’était moi que vous venez d’avoir au téléphone. Agent Libourt. J’ai avec moi votre copine, Nina Collins, et vous devez venir la récupérer au plus vite si elle ne veut pas passer devant un tribunal. » Dit une voix agacée. Je tournais alors les yeux vers Mélodie qui fronçait les sourcils, visiblement intriguée par la jeune femme, et, surtout, par l’appellation que le policier avait utilisée. Je ne pouvais pas vraiment prendre le temps de lui expliquer avec l’agent au bout du fil, aussi, je mettais rapidement un terme à ma conversation téléphonique après un léger soupir.

« Okay, j’arrive, attendez-moi. » Dis-je un peu sèchement avant de raccrocher, tournant mon regard vers Mélodie. « Bon bah, fin de la sieste pour moi, faut que j’aille chercher une amie qui s’est mise dans la galère. Mais la connaissant, ça doit pas être bien méchant. » Dis-je, me levant du canapé sous l’œil inquisiteur de la championne.

« Une amie ? » Me demanda-t-elle, insistante. Je lui souriais pour la rassurer.

« Une amie, oui, vraiment. » Dis-je, amusé.

Mes paroles semblèrent la rassurer, même si sa réaction était à la fois surprenante et attendue. La soirée passée sur l’un des Toit de Nox Illium avait rendu notre relation amicale un peu plus floue, et nous n’avions pas eu l’occasion d’en parler. Il ne s’était certes rien passé, mais cette proximité soudaine avait eu de quoi nous surprendre.

« Et comment tu vas y aller alors ? En moins de 24 heures, c’est compliqué non ? » Me demanda-t-elle avec un sourire.

« Pas avec un pokémon psy dans l’équipe très chère. » Fis-je, m’inclinant d’une manière dramatique. « Je reviens vite, préviens les deux autres ! » Je lançais un clin d’œil à la championne de Nox Illium, avant de disparaitre en un tour de bras, apparaissant à Méridian.

La ville ancestrale n’avait pas changé depuis la dernière fois. Je ne me souvenais plus d’où se trouvait le poste en question, mais je le savais non loin. Grâce à mon sens inné de l’orientation, et surtout à mon GPS, je parvins rapidement devant l’office de police, et me présentais à l’accueil. Un agent vint rapidement me chercher.

« Ah. Vous avez fait vite, c’est parfait. » Me lança-t-il.

« Alors, qu’est-ce que Nina a bien pu faire pour se retrouver dans un tel pétrin ? Et pourquoi vous ne la laissez pas sortir toute seule si ma seule présence suffit à la libérer ? » Demandais-je, légèrement courroucé.

En état d’arrestation

Je regardais l’agent avec un air passablement énervé. En réalité, je passais une relativement bonne journée, et j’espérais que le fait de la gâcher n’était pas lié à de quelconques bêtises qui n’avaient pas d’importance. Mais il fallait avouer que, venant de Nina, tout était littéralement possible, si bien que la curiosité l’avait finalement emporté sur tout le reste. L’agent, qui paraissait à la fois en colère et fatigué, perçu rapidement mon mécontentement.

« Ecoutez. Le mieux, c’est qu’on voit tout ça directement avec elle, et vous verrez de quoi il en retourne. On y va tout de suite ? Je pense que c’est mieux. » Me fit-il, visiblement à bout de nerf.

J’hochais la tête, et le suivait dans les méandres du commissariat. L’endroit semblait fraichement rénové, ce qui voulait sans doute dire qu’il avait fait l’objet de destructions diverses lors de la tentative de coup d’état. Ça expliquait sans doute la nervosité actuelle des forces de l’ordre d’ailleurs, et ce n’était pas très rassurant. Ma relation avec ces dernières avait toujours été tumultueuse – et sans aucun doute à raison – et leur rigidité actuelle n’allait certainement pas arranger les choses. Mais je prenais sur moi. Après tout, plus vite cette affaire été réglée, plus vite j’étais libre de repartir.

Trouver Nina n’était pas quelque chose de… très compliqué. Et il fallait dire qu’elle n’avait pas changé d’un poil. Lorsqu’elle me vit, elle m’adressa de grands gestes pour me signaler sa présence. Je lui fis un petit signe mais, avant que je n’ai eu le temps de lui répondre, l’agent embraya sur ses explications. Et quelles explications. Par Arceus quelles explications. Je l’observais avec un regard incrédule, prenant conscience que ma première impression avait été la bonne. Ils m’avaient, réellement, dérangé pour rien du tout.

« Wow… » Répondis-je simplement.

« Je sais… Vous voulez bien signer le papier ? » Me fit-il, agacé, visiblement pressé d’en finir.

« Non, wow dans le sens où : Wow, vous m’avez vraiment dérangé pour rien du tout en fait. » Commençais-je. Voyant sa surprise, j’en profitais pour embrayer. « Mais sérieusement. Vous avez des lois non ? Qu’elle se mette en danger, c’est son problème, déjà, alors pourquoi vous l’arrêtez ? Si vous ne voulez pas que les gens grimpent, déjà, mettez des panneaux, et ensuite, protégez vos fenêtres où je ne sais quoi. Et puis, même sans ça. Elle est majeure et vaccinée, elle est même sans doute plus âgée que moi, c’est pas à vous de décider si elle est responsable ou pas ! » Continuais-je, haussant légèrement le ton.

« Monsieur Diame, ne haussez pas le t…- » Commença-t-il, avant que je ne le coupe sèchement.

« Je hausse le ton parce que votre excès de Zèle ou quoi que ça puisse être me cause un déplacement que j’aurais très bien pu éviter. Vous êtes en tort, à cent pourcents, mais c’est à moi de me taper l’aller-retour. Je ne signerais rien du tout, vous allez simplement la laisser sortir parce que vous n’avez pas le droit de la retenir ici. » Fis-je sur un ton glacial.

« Il est hors de qu…- » Fit-il, se coupant alors que je m’approchais d’un pas dans sa direction.

« Vous allez. La. Libérer. Tout de suite. J’ai autre chose à faire, croyez-moi. Dépêchez-vous. » Dis-je, toujours sur le même ton.

« Mais pour qui vous vous prenez ? » Hurla-t-il alors, hors de lui, mais rapidement interrompu par l’un de ses collègues qui lui faisait signe de ne pas insister. Il se tourna alors vers lui. « Quoi ? Je ne vais quand même pas… » Commença-t-il, alors que l’autre policier s’approchait pour lui souffler quelques mots à l’oreille. Il s’interrompit alors. Et, sans un regard, avec des gestes secs, il s’empara de ses clefs et ouvrit la cellule.

« Vous êtes libre. » Lança-t-il sur un ton glacial.

Je ne pris pas le temps de lui répondre, rebroussant chemin vers la sortie, Nina sur mes talons.

En état d’arrestation

Je marchais d’un pas rapide, bien décidé à rapidement sortir de commissariat. Nina, quant à elle, faisait comme si de rien était, m’abreuvant d’un long discours comme à son habitude. Si je m’étais mis en colère contre le policier pour son excès de Zèle, il fallait aussi avouer que la jeune femme n’y était pas non plus pour rien. Bien sûr, j’avais accepté de lui filer un petit coup de main, mais, au vu du nombre de problèmes qu’elle semblait cultiver, je n’allais pas non plus faire le déplacement à chaque fois. Quant à elle, Nina ne semblait absolument pas dérangée par la situation alors que nous approchions de la sortie. Si elle avait posé quelques questions sur les raisons de mon absence, elle avait toutefois immédiatement embrayé sur un autre sujet, me proposant milles et unes activités. J’attendis qu’elle eut finit et, lorsque se fût le cas, nous étions déjà dehors.

« Alors, dans l’ordre… » Répondis-je en soupirant. « Il n’y a pas de quoi. J’étais à Sinnoh car j’avais promis à une amie d’affronter Terry, sa grand-mère, avec l’un des pokémons qu’elle m’avait confié. Non, je n’ai jamais skié, et ça ne me tente pas plus que ça non plus. Un pokémon vol est un bon choix, et je ne suis pas spécialisé dans le type roche mais dans le type sol, parce que si j’étais spécialisé dans le type roche, le type vol serait particulièrement mal indiqué. Mais tu as raison, ça ne fait pas un combat. » Je pris alors une grande inspiration avant de poursuivre d’un air désabusé.

« Attraper un pokémon n’est pas si difficile, surtout qu’il y a plusieurs méthodes permettant d’y parvenir. Le combattre, l’amadouer, c’est toi qui voit. Et pour finir… » Je plongeais mes yeux dans ceux de Nina, avec un air plus sérieux.

« Je veux bien venir te filer un coup de main quand je le peux Nina, même si je vais pas te faire la morale parce que tu être bien plus âgée que moi, mais je peux pas venir à chaque fois que tu as ce genre de soucis. Je suis d’accord, le policier en a fait un peu trop mais… » Commençais, réfléchissant à la suite de ma phrase. « Tu es une bonne amie, et je t’apprécie, mais à voir tout ce que tu me proposes de faire, tu ne t’es même pas dis que j’étais sans doute déjà en train de faire quelque chose avec possiblement quelqu’un d’autre, ou que je sois tout simplement occupé ailleurs. Donc… Même si ça me fait plaisir de te voir, je ne peux pas rester très longtemps. On m’attend à Nox, et, même si le trajet retour est assez court, j’ai promis de ne pas m’absenter trop longtemps. » Mes paroles étaient un peu plus sérieuses que ce à quoi elle aurait pu s’attendre, mais il n’y avait aucune agressivité, simplement la vérité. Je devais avouer que mon humeur n’avait pas virée au beau fixe au moment où j’avais dû venir l’aider, et, ensuite, la voir faire comme si de rien n’était – malgré ses remerciements que j’avais toutefois bien noté – ne l’avait certainement pas arrangée.

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L’air enjoué de la jeune femme eut tôt fait de m’arracher un léger sourire. Même si le fait de mettre déplacé de me mettait pas de très bonne humeur, j’appréciais suffisamment Nina pour ne pas trop lui en vouloir. En revanche, la suite de son discours me laissa légèrement perplexe. Perplexe parce que, en réalité, la jeune femme avait en partie raison. J’avais coupé court à notre dernière entrevue, certes pour de bonnes raisons, mais je l’avais tout de même abandonnée précipitamment sans crier gare. Pour la plupart de mes amis, au vu de mon comportement parfois spontané et intenable, c’était une chose normale, tout comme celle de ne pas nécessairement donner de nouvelles plus que ça. Même si Nina aurait très bien pu me demander simplement s’il était possible de se voir dans quelque région que ce soit, l’intention était finalement louable, mais si je supposais fortement que, si une partie de ses paroles était surement vraie, l’autre partie devait essayer de m’amadouer. Je poussais un long soupir amusé avant de lui répondre.

« Je t’accorde le bénéfice du doute parce qu’effectivement, l’autre fois, je suis parti de manière pas très cool. Mais tu sais, je suis un peu comme ça tout le temps, et je ne donne généralement pas beaucoup de nouvelles, même à mes amis proches. Si tu veux me voir, t’as pas besoin d’attendre d’être en prison pour ça, il suffit de me passer un coup de fil et on s’organise, c’est aussi simple que moi. Quant à venir avec moi… Disons que je te dois au moins ça, ça te fera une occasion de rencontrer quelqu’un d’autre à Nox. » Dis-je, amusé, en lui lançant un clin d’œil.

Lisant dans mes pensées, la Kaorine se téléporta alors à mes côtés. Je posais une main sur l’épaule de Nina, et l’autre sur le corps argileux du pokémon psy, et, un instant plus tard, nous n’étions plus là. Furfur nous avait téléporté devant l’auberge que nous occupions avec Ivar, Daphnée et Mélodie, sachant que les deux premiers concernés étaient partis faire un tour en ville. La championne de Nox devait surement être un peu mieux réveillée maintenant. Avant d’entrer, je me tournais vers Nina.

« Donc, je vais te présenter quelqu’un. Ça te sera surement utile un jour. » Dis-je avec un clin d’œil énigmatique.

Nous entrâmes alors la petite auberge, alors que je menais Nina au studio dans lequel nous séjournions. Histoire d’être sûr de ne pas déranger Mélodie, je toquais à la porte, attendant qu’elle vienne m’ouvrir. Ce qu’elle fit, l’air bien plus réveillé qu’elle ne l’était lorsque j’étais parti.

« Bon ça va, tu as fait vite au m-… » L’air guilleret de la championne s’effaça en apercevant Nina, laissant place à une inspection beaucoup moins amicale. « Oh… Bonjour ? » Lança-t-elle en m’interrogeant du regard.

« Mélodie, je te présente Nina. Nina, voici Mélodie, la championne actuelle de Nox Illium. » Fis-je, souriant légèrement devant l’attitude de la championne.

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Au moins, la soudaine téléportation avait permis de stopper net le flot ininterrompu de paroles de la jeune femme. Je comprenais son côté aventurier et fonceur, puisque, sur ce point-là, nous n’étions pas bien différents, mais j’étais bien loin d’être aussi bavard et provocateur que la jeune rouquine, qui était visiblement très satisfaite d’avoir su échapper à mon potentiel courroux. Parfois, elle en faisait beaucoup trop, c’était indéniable. Cela ne faisait pas d’elle une mauvaise personne, bien au contraire, mais il était parfois difficile de cohabiter avec la jeune femme, même pour une après-midi.

Cependant, je n’avais pas prévu une réaction aussi violente après la téléportation. C’était bien la première fois que je voyais quelqu’un réagir ainsi. Avoir un léger tournis, c’était chose courante, mais de là à rendre directement son repas par terre, il y avait un gouffre. Pourtant, même lors de mes premiers « sauts », je ne me souvenais pas avoir ressenti un quelconque mal être. Et il ne me semblait pas qu’Akane ait pu être aussi en proie à une réaction aussi directe pour ses premiers voyages. L’expérience était loin d’avoir plu à Nina, qui me jetait un regard noir tout en proférant ses menaces, m’arrachant un léger sourire. Je n’avais pas le temps de répondre que la jeune femme filait d’ores et déjà aux toilettes, sans doute pour se rafraichir.

Je l’attendis alors là où elle m’avait laissé planter, ne pouvant m’empêcher de penser à ses vociférations. Non pas que ces dernières m’inquiétaient particulièrement dans le domaine pokémon à proprement parler, mais je me demandais finalement si la présenter à Mélodie était réellement une bonne idée. Après tout, Nina avait la manière de partiellement faire n’importe quoi absolument tout le temps, et, même si Mélodie était une véritable pile électrique, je doutais qu’elle ne supporte longtemps des moqueries ou le débit de parole incessant de la jeune femme. Et j’avais visiblement vu juste, puisque, dès lors que Nina eut compris que la championne n’était pas des plus ravie de la voir, elle s’était immédiatement jetée à mon cou feignant une romance fictive dans le but d’ulcérer la championne. Et son action semblait avoir son petit effet, au vu du regard noir que dardait la championne sur la rouquine exubérante. Je poussais alors un soupir avant de repousser Nina.

« Des fois, j’ai l’impression que tu es plutôt comme une enfant qu’on vient chercher dans le bureau du directeur tu sais. » La taquinais-je. « Et je déteste qu’on m’appelle chevalier, genre vraiment. » Continuais-je en fronçant les sourcils. « Quoiqu’il en soit, tu m’en dois une, et je te rappelle que, si tu ne te tiens pas bien, je demande à Furfur de t’envoyer faire un petit stage au mont Kaygon pour te rafraichir les idées. » La menace faisait échos à celles qu’elle avait proférées un peu plus tôt, mais elles avaient tout de même un fond de sincérité.

Je me réinstallais donc dans le canapé, et, silencieuse, Mélodie s’assit simplement à côté de moi, incapable d’engager la conversation avec la tornade rousse qui venait de faire irruption. Un silence légèrement pesant s’installa, et, après s’être raclée la gorge, la championne tenta sa chance.

« Euh… hum… Donc tu es… Dresseuse Nina ? Tu es venu à Mhyone pour sa ligue pokémon ou pour… autre chose ? »

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Mélodie avait on ne peut plus de mal à suivre le débit ininterrompu de paroles de Nina. Il fallait dire qu’il valait mieux être particulièrement bien préparé et habitué pour en comprendre les bribes. L’esprit de Nina était sans doute aussi vif que ses jambes et son aptitude à s’attirer des ennuis, ce qui était, en soit, un véritable miracle. Non pas que la jeune femme ne soit pas intelligente, bien au contraire, mais son comportement explosif était parfaitement opposé à celui d’une supposée scientifique. Le fait qu’elle ait pu avoir la patience nécessaire à terminer ses études était parfaitement inconcevable et, pourtant, c’était bel et bien le cas. A ses dires, au moins, mais Nina n’avait pas l’air d’être une adepte de mensonges. Elle vivait trop, trop vite, et ne s’encombrerait généralement pas avec ce genre de choses.

Elle repartait donc dans ses histoires de justicières et de rivalité avec ma version « baron du crime » dont elle semblait particulièrement fière. Si, moi, j’arrivais à la suivre grâce à mon expérience et à ses répétitions, Mélodie avait, elle, le regard totalement perdu face à la verve de la rouquine. Elle dut néanmoins attendre la fin de son monologue pour finalement répondre.

« Docteure… C’est ça ? » Lança-t-elle, avec un regard un peu ahuri. « Et bien c’est… intéressant. Enfin, visiblement, tu dois être une dresseuse aussi si tu veux être la rivale d’Alex ou une… enfin une justicière… » La jeune blonde semblait avoir du mal à croire à ce qu’elle était en train de raconter. « Et donc… du coup… Hum… Vous vous connaissez depuis longtemps ? Enfin, vous êtes rivaux depuis longtemps ? Parce qu’il ne me semble pas qu’Alex m’ait parlé de toi… Après vu le nombre de dresseurs qui se targuent d’être des rivaux, je doute qu’il ne se souvienne de tout. » Fit-elle, un peu plus amusée, m’arrachant de surcroit un léger sourire.

« C’est pas entièrement faux. » Fis-je. « Et Nina n’est qu’au début de son périple en tant que Dresseuse, malgré son âge déjà vénérable. Elle a pris… Un peu de retard je le crains. » Dis-je, en lançant un regard appuyé vers Nina, profitant de l’occasion pour lui rendre la monnaie de sa pièce. L’allocution fit rire Mélodie, qui se calma bien vite pour ne pas vexer l’invitée.

« … C’est pas très gentil, Alex. » Me réprimanda-t-elle gentiment. « Tu… veux boire ou manger quelque chose Nina ? Il doit nous rester deux ou trois trucs je pense. »

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Si j’avais su ce que Mélodie s’apprêtait à proposer à Nina, je l’en aurais surement dissuadée. On ne plaisantait avec la nourriture pour la rouquine, et évoquer le sujet devenait presque immédiatement soit source de problèmes, soit source de dépenses. Parce que, oui, la jeune femme avait tendance à plutôt bien se nourrir, et avait un appétit aussi impressionnant que son débit de paroles. Il ne suffisait alors pas grand-chose à la jeune femme pour coupler ces deux passions. Et la machine était lancée. Légèrement surprise, Mélodie regardait Nina directement partir dans ses pérégrinations linguistiques impuissante et bien incapable de l’arrêter. Parce que oui, c’était une simple chambre d’auberge, et il n’y avait pas vraiment de cuisine, à peine un petit frigo. Si Mélodie lui avait proposé à manger et à boire, c’était plutôt du genre biscuit apéritifs tout simple, il n’était pas vraiment question d’une éventuelle recette. Après que la rouquine eut – à nouveau – finit son monologue, la championne tenta de placer quelques mots.

« Euh… Nina… je ne parlais pas de faire la cuisine tu sais… » Dit-elle, gênée. « Plutôt de manger un morceau, du genre biscuits apéritifs. C’est une simple chambre d’auberge, pas une maison, et y’a pas de cuisine ici malheureusement. Et encore moins d’ingrédients… du coup. » Fit-elle.

« Après, si vraiment tu y tiens, il est toujours possible de demander si on peut utiliser la cuisine de l’auberge. A cette heure-ci ça devrait être jouable, mais ça ne résout pas vraiment le problème de la nourriture, enfin, des ingrédients. Il faut toujours trouver de quoi faire parce qu’on ne va pas piquer dans les frigos non plus, ça ne se fait pas. » Fis-je, pensif.

L’idée de cuisiner n’était peut-être pas si mauvaise finalement, elle aurait sans doute pour effet de « briser la glace » entre Mélodie et Nina, et, sans doute, d’apaiser quelques secondes la rouquine survoltée. J’avais beau apprécier Nina, je devais bien avouer qu’elle pouvait être particulièrement fatigante lorsqu’elle s’y mettait. Déborder d’énergie était une bonne chose, en générale, mais Nina pouvait parfois avoir un léger côté égocentrique qui l’empêchait de voir et d’entendre le monde qui l’entourait. Mais ça ne devait pas être aussi simple, car elle avait quand même réussit à avoir un doctorat après tout, et qu’il lui avait sans doute fallu des qualités qui n’étaient pas visibles au premier coup d’œil. Dans tous les cas, Mélodie semblait presque soulagée de pouvoir faire quelque chose au lieu de simplement écouter les élucubrations de la jeune femme. Je me tournais alors vers Nina.

« On a qu’à aller faire quelques courses pendant que Mélodie va demander si on peut utiliser une partie de la cuisine, ça te va ? On devrait quand même être capable de faire des crêpes sans trop de difficultés, même si je suis un bien piètre cuisinier ! »