Esteban Desmond - (terminé)

Si vous parvenez à ne pas vous arrêter au physique, si vous ne jugez pas tout de suite la surface et si, donc, vous ne vous faîtes pas une mauvaise idée d'Esteban, vous arriverez à connaître quelqu'un de très... humain. Notre protagoniste a ses défauts, ils sont certainement nombreux mais voyez, il possède une immense empathie et une sensibilité pouvant faire défaut à beaucoup. Malheureusement cela s'est quelque peu terni depuis son arrivée à Mhyone, pour la simple raison que son cœur souffre encore énormément de ce qui lui est arrivé dernièrement. Esteban paraîtra en ce moment fermé, quelque peu grognon pour tenter de se débarrasser des autres alors qu'il aurait grandement besoin d'une compagnie réconfortante autre que celle de Vesta.

Plus habituellement, en dépit de ses quelques sautes d'humeur ou de son penchant pour la colère facile, le jeune homme est un être tout ce qu'il y a de plus sympathique, généreux et disponible pour autrui, une aubaine pour les grands bavards. Éloquent et proche des autres, le garçon se fait relativement beaucoup d'amis où il passe puisque son sens de l'observation l'aide grandement à deviner ce que l'autre pourrait apprécier. Certes savoir définir cela est un atout mais lorsqu'il s'agit de le mettre en application... C'est une autre histoire ! Même s'il est relativement sociable et qu'il peut parler aisément avec un inconnu si l'envie lui prendre, Esteban est assez intimidé lorsqu'il s'agit de faire plaisir à quelqu'un. Disons qu'être remercié mille fois, être embrassé par une personne un peu trop enjouée... Cela le gêne atrocement.  C'est pourquoi il tentera des « cadeaux détournés ». Vous louchez sur cette jolie bague dans la vitrine ? Il reviendra seul l'acheter et s'arrangera pour que vous tombiez dessus. C'est votre anniversaire ? Il achètera quelque chose que vous aimez et le déposera parmi les autres cadeaux sans rien dire. Ou, puisqu'il adore cuisiner, vous fera un bon petit plat dans votre dos et vous le donnera en disant : « J'ai pas trop faim finalement, prends ça. »

Même s'il peut paraître sûr de lui et à son aise, il n'en est rien. Esteban n'a pas beaucoup de confiance en lui pour la simple raison qu'il ne s'aime pas. Du moins, pas depuis quelques temps. Puisqu'il réfléchit trop à ses soucis, ressasse sans cesse le passé, il se prend la tête et se met dans des états proche de la dépression pour parfois peu. Blesser quelqu'un moralement ou physiquement, il a ça en horreur mais a dû le faire durant des années et des années pour son plus grand déplaisir. Et s'il vous vexe, se racheter sera certainement son objectif premier.

Oh, il n'est vraiment pas méchant pour un sou. Parfois terriblement maladroit mais on sait pertinemment qu'il a bon fond. Peut-être trop exigeant avec ses proches ou lui-même. De temps à autre facilement déconcentré, trop cynique. On le lui reproche, tout comme certains redoute son éloquence : et s'il vous embobinait avec ses belles-paroles, le gosse élevé dans la rue ? Mais même avec ça, on ne lui enlèvera pas sa fidélité et sa loyauté.
Il aime aider mais ne veut pas être aidé, Esteban c'est monsieur « faîtes ce que je dis mais pas ce que je fais. »

Considérant les Pokémon comme des compagnons, des amis, Esteban n'est pas un dresseur chevronné et assoiffé de combat. Il ne sait pas trop ce qu'il veut et va faire ici, déjà tenter d'aller mieux et changer les idées de Vesta ? Ensuite, il improvisera. Trouver un coin où habiter ou errer ? Se mettre à la conquête des badges ou lambiner ? Le jeune homme ne sait pas. Il verra bien où ce début de nouvelle vie le mènera.

La porte claqua derrière les pas tranquilles d'un homme à la crinière ébène, il bailla légèrement et approcha sa main gantée de l'interrupteur. Exténué par sa journée, il n'avait qu'une envie : s'écrouler au sein de son fauteuil. La lumière se répandit enfin dans le salon et plus un bruit ne fut audible, Esteban resta interdit devant ce qu'il avait sous les yeux. Ses prunelles d'azur s'écarquillaient doucement.

« Rosa... »

Elle était là, étendue à moitié sur le flanc dans une flaque dont la couleur lui donna envie de vomir. Il chancela, se tenant au mur, observant l'affreux spectacle. Il en était sûr, il savait que cela finirait par arriver mais... si tôt ? Posant une main contre son coeur, Esteban serra fortement ses mâchoires à s'en faire mal, serrant son t-shirt entre ses doigts, laissant une rage bestiale l'envahir. Alors qu'il avait enfin acheté les billets, alors qu'ils allaient enfin quitter ce foutu endroit, c'était ce jour, ce jour précis... qu'ils mettaient leurs menaces à exécution. Le brun s'approcha de sa tendre, tombant à genoux à ses côtés, passant doucement une main derrière sa tête tout en ignorant l'affreuse plaie. Il enleva le gant de sa main droite en tremblant légèrement, les yeux emplis de larmes alors qu'il fermait ceux de la belle.

« ... »

Il sentit un léger choc contre lui. Esteban ferma ses yeux en soupirant lourdement, le cœur serré et la gorge nouée. Les rouvrant afin de regarder ce qui choquait contre lui, il vit Vesta dont les mires bleutées étaient désespérées. Avait-elle tout vu ? Le jeune homme posa sa main libre sur le crâne de la petite Galekid avant de croiser ses jambes en tailleur, rapprochant le corps sans vie de lui, serrant une ultime fois Rosabella contre lui, les yeux clos, Vesta se serrant aux deux êtres.

« On part, Vesta. On part dans la nuit. »


Gamin des rues d'Illumis, Esteban s'est toujours débrouillé comme il le pouvait afin d'aider sa mère à gagner de l'argent. Ils étaient toujours aux limites mais chaque mois, ils parvenaient in-extremis à payer ce qu'il fallait payer. Parfois, ils mangeaient nettement moins que d'habitude ou Esteban parvenait à voler quelque chose, faisant croire qu'il l'avait durement gagné (Esteban, d'ailleurs, retournait aider d'une quelconque manière ceux qu'il avait volé pour se faire pardonner de son acte, pour en avoir moins sur la conscience). D'autres fois, il jouait de son charme enfantin pour attendrir les cœurs et réussir à glaner un peu de quoi manger. L'enfant du haut de ses dix ans était bien trop mûr pour son âge, il n'eut guère le temps de vivre son enfance comme il l'aurait du. Un père trop porté sur la boisson, sur la violence aussi... Esteban parvint à virer son père de la maisonnée en s'adonnant à un petit plan pour qu'il soit prit en flagrant délit de violence conjugale. Puisqu'il avait supprimé de la maison la seconde source de revenue, l'enfant mettait ainsi un point d'honneur à aider et soutenir sa mère !

Pas forcément malheureux, Esteban avait quelques amis qu'il allait voir lorsque son temps était libre. Courir dans les rues d'Illumis était son passe temps-favoris, il ne connaissait que ça, ces grands buildings, ces maisons, ces ruelles, l'immense Tour Prismatique. Sans être envieux pour un sou, l'enfant écoutait ses amis parler des voyages qu'ils avaient fait durant les vacances tandis que lui était resté chez lui à passer du temps avec sa mère devant l'unique chaîne télé qu'ils avaient. Des moments qu'il affectionne encore aujourd'hui.

D'enfant, il devint adolescent. Travaillant toujours durement, c'est alors qu'il travaillait en tant que barman dans un bar d'Illumis qu'il fit la rencontre d'une demoiselle plus âgée que lui d'un an, Rosabella. Du haut de ses seize ans, elle arborait une crinière caramel qu'elle teignait parfois, ses mires émeraude étaient exquises selon Esteban. Ce-dernier n'y fit d'ailleurs pas forcément très attention les premières fois, bossant simplement, mais de fil en aiguille, à force que la jeune fille ne se pointe au bar, il entama la discussion. Elle s'étonnait de voir un garçon de son âge travailler autant plutôt que d'étudier et lui se révélait curieux de la voir venir si souvent ici, seule, le regard dans le vide et plongée dans le méandre de ses pensées.

Viré à cause d'un excès de colère sur un client détestable, Esteban trouva son réconfort dans les bras de Rosabella. Trouver un travail stable se révélait compliqué pour lui et ses sautes d'humeur fréquentes, de plus son impulsivité n'aidait guère. Vers quoi se tourna t-il ? Vers un surnommé Havoc. Il avait déjà eu affaire à lui et à vrai dire, il était connu... dans un univers plus sombre. Si notre protagoniste n'avait jamais céder à se faire de l'argent plus "facilement", il céda. Pour sa mère, pour Rosabella. Pour offrir quelque chose de plus confortable à sa mère et pour pouvoir offrir davantage à sa bien-aimée, et cela même si elle ne cessait de lui dire qu'elle n'avait pas besoin d'être ainsi comblée d'offrandes.


Il n'avait rien prévu de tout cela en partant ce matin en direction de Roche-Sur-Griffe. Entrant dans la maison en compagnie du Capumain qui l'accompagnait pour ce genre de coup, Esteban avait commencé à visiter la maison du vieil homme dont on lui avait parlé. Seulement, au moment où le jeune homme s'apprêtait à poser la main sur le fossile tant désiré, un bruit sourd et brutal... un bruit de corps qui tombe ? Une chute ? On aurait dit qu'un être s'était même cogné. Le voleur fronça légèrement ses sourcils et se détourna vers la source du bruit, les yeux plissés.... mais ils s'écarquillèrent à la vue du vieil homme tombé ! Il ne bougeait plus du tout, étendu sur le sol. Esteban s'approcha tout en étant habité par une certaine méfiance, il s'accroupit et remarqua alors la blessure à l'arrière de la tête. Soudainement rongé par l'inquiétude, le jeune homme posa deux doigts au niveau du cou de sa cible. Ses prunelles se rétractèrent tandis qu'il tentait alors de vérifier le cœur : rien.

« Merde, merde, merde ! Ce n'est pas censé arriver ça ! »

Voilà que maladroitement, Esteban tentait un massage cardiaque. Certes, il était un voleur, il faisait des choses pas nettes pour gagner de l'argent mais... tuer ? Jamais. Paniqué, le cœur battant, le sang cognant ses tempes, le garçon tentait de ranimer le vieil homme avec ardeur. C'est alors que des petits bruits de pas parvinrent à ses oreilles : Un Pokémon dans la maison ? Esteban se redressa doucement et quitta la pièce, la gorge nouée, il vit alors une petite bestiole en armure. Deux grands yeux bleus interrogatifs le fixaient.

« Salut petit ! Je... Hm, tu vas bien ? »

Que faire ? Il ne pouvait pas abandonner ce Pokémon dans cette maison, avec ce vieil homme mort. Esteban se laissa tomber sur le parquet, se plaquant une main gantée sur le visage, complètement perdu. La Galekid approcha, intriguée, poussant un petit cri amical et venant se blottir contre lui. Entre ses doigts, il regarda le Pokémon, souriant légèrement. Donc ? La prendre et l'offrir à Rosabella ? Aimerait-elle cette petite bestiole, elle qui parlait tant d'avoir un premier Pokémon ?

« Je crois que ton propriétaire va dormir très très longtemps... Tu vas t'ennuyer tout seul s'il dort très longtemps, tu ne crois pas ? »

Il tenta de parlementer une vingtaine de minutes puis, jugeant qu'il pouvait partir avec le Pokémon, le cœur lourd et l'esprit préoccupé. Il en oublia même de prendre le fossile.


Tout semblait se passer à merveille, la petite Galekid, Vesta, était dans une nouvelle famille et se portait fabuleusement bien. Après tout, la douce Rosabella pouvait lui porter un amour immense, la cajolant et prenant bien soin d'elle. Esteban continuait de travailler et il sentait enfin qu'il allait pouvoir mettre son petit plan à exécution. L'année d'avant, sa mère était morte. Il ne gagnait donc de l'argent plus que pour Rosabella, Vesta et lui. Par ailleurs, le jeune homme avait pu économiser assez d'argent puisque, tout en continuant ses études, sa tendre gagnait aussi un peu d'argent de son côté. Sans parler du fait que son père lui envoyait régulièrement un petit pécule, même s'il n'appréciait guère voir sa fille adorée entre les mains d'un type comme Esteban.

Le plan donc. Prendre deux billets d'avion, partir loin d'ici, se détacher impérativement d'Havoc et démarrer quelque chose de nouveau.
Au matin, Esteban déclara à Havoc qu'il arrêtait son activité. Le soir même, Rosabella perdait la vie.

Esteban changea complètement son allure, teignant sa crinière, mettant des lentilles, changeant de nom en jouant de son entourage avant de filer le plus rapidement possible, ne laissant rien derrière lui. Il partit au sein d'une région où, normalement, Havoc ne devrait avoir de liens avec personne. Une mince chance d'avoir la paix, de pouvoir faire son deuil sans trop d'agitation.